Historiquement, depuis que je suis adulte, j’ai vu l’activité physique, et en particulier le vélo, comme un moyen de faire du calories out. Manger en faisant du vélo semblait donc totalement contre-productif.

Ma pratique a ensuite évolué, le vélo est devenu un vrai loisir que je pratiquais par envie, par plaisir, en me fixant des objectifs de temps, de distance, de vitesse moyenne… Mais j’ai conservé cette mentalité inadaptée de : manger à vélo, c’est mal.

Si ça a fonctionné pendant un temps, quand j’ai commencé à faire des sorties de plus de 4 heures, ça a commencé à sérieusement poser problème. Jusqu’au jour où j’ai fini allongé par terre pendant 30 minutes, victime d’une terrible hypoglycémie.

Suite à cette mauvaise expérience, j’ai introduit un peu de nourriture pendant l’effort. Surtout que l’autre problème avec cette non stratégie, c’est qu’une fois sorti de la douche, j’étais absolument mort de faim et que j’avais du mal à manger correctement le reste de la journée.
Totalement contre-productif bis.

Sur les sorties solo, je mangeais approximativement une barre de céréales par sortie d’au moins 3h. Généralement après plus de 2h de selle.
Sur les brevets, je profitais des ravitaillements proposés pour picorer quelques fruits.

C’était mieux, mais généralement, j’évitais juste de terminer à sec. Résultat une fois rentré à la maison, j’étais complètement vidé et je pensais que c’était normal, puisque je venais de faire une activité physique pendant plusieurs heures d’affilée.

Puis j’ai participé à quelques cyclosportives, où les ravitaillements étaient plus nombreux, bien mieux fournis que sur les brevets, et, surtout, compte-tenu du prix de l’inscription, je tenais à en voir pour mon argent et me lâchais sur les ravitos.
Sur ces évènements, non seulement j’avais tendance à pouvoir rouler de manière plus intense, mais je terminais également bien plus frais.
J’expliquais cela par l’engouement que je ressentais vis à vis de l’évènement, et l’émulation liée aux centaines d’autres participants.

Pendant le confinement, pour passer le temps, je réalisais quelques activités longues (>6h) sur Zwift, et la facilité d’accéder à la nourriture en posant un paquet de gâteaux à proximité faisait que je m’alimentais régulièrement et, de la même manière, je pouvais rouler plus longtemps, plus intensément, et terminer en relativement bon état.
Cette fois, je comprenais d’où venait cette différence avec mes sensations habituelles.

Pourtant, dès le confinement terminé, je retournais dehors et recommençais à m’alimenter le moins possible ; ayant remplacé les barres de céréales par des pâtes de fruits1.

Cyclist eating a sandwich

Concernant l’hydratation, c’était différent. J’avais presque le problème inverse.
Je n’ai aucun mal à boire des volumes importants d’eau pendant que je fais du vélo.
Je roule avec deux bidons de 750mL avec lesquels je peux tenir entre 1h30 et 4h, selon les conditions météo et l’intensité de l’effort.
Lorsque je roule en solitaire, je profite généralement des cimetières pour refaire le plein.
Sur les évènements organisés, il y a normalement de quoi remplir les bidons sur les ravitos. Ou alors, il y a de la boisson proposée dans des gobelets.

S’il existe des mélanges de poudres isotoniques qui permettent d’apporter des calories via la boisson, j’ai toujours détesté ça. Le côté liquide ultra-sucré ça me file la nausée et j’ai encore plus soif après. Je n’avais donc aucune chance de régler le problème de la nutrition via l’hydratation qui fonctionnait plutôt bien.

Cependant, comme la seule chose que j’acceptais de boire c’était de l’eau claire et que les jours de chaleur (dès qu’il fait plus de 22°C dans mon référentiel perso), je buvais environ 1L par heure et j’avais tendance à finir dans un état abominable : nausées, maux de tête, étourdissements…
Après quelques recherches, je découvrais qu’il s’agissait surement d’hyponatrémie et pour tenter d’éviter cela, je testais les électrolytes dans le bidon.
Avec succès. Cependant, le goût me dégoûtait donc j’avais tendance à régulièrement oublier d’en mettre, et terminais dans la même état.

Puis début 2023, en vue d’obtenir une licence auprès de la FFC, je me suis rendu chez un médecin du sport pour une visite médicale. Compte-tenu de sa spécialité, j’ai volontairement lancé différentes discussions autour de ma pratique, et il a dit une chose que je vais tenter de résumer et qui a résonné très fort chez moi pendant les semaines qui ont suivi.

En fait c’était plusieurs choses :

  • L’hydratation est très importante et souvent oubliée
  • Les recommandations officielles de 1.5 à 2L par jour2, c’est pour les sédentaires, un sportif, c’est plutôt 5L
  • L’hydratation ce n’est pas uniquement pendant l’effort, c’est avant, pendant et après

Mind. Blown.

Petit retour en arrière.
Depuis que je travaille assis 8h par jour à un bureau, je suis équipé d’une gourde et je bois mes 1.5L avec.
À cela, il faut ajouter ce que je bois pendant les repas (environ 750mL à chaque fois) et les infusions (environ 5 fois 300mL) pour une journée sans sport.
Bien plus que les recommandations donc.
Et les rares fois où j’en ai parlé avec d’autres personnes (non issues du milieu médical), elles ont immédiatement identifié cela comme anormal.

Entendre un professionnel de santé me conseiller d’ingurgiter des volumes d’eau similaires à ceux que j’ai l’habitude de consommer depuis des années, ça m’a bien évidemment rassuré.

J’en profitais pour discuter avec lui de mes suspicions vis à vis de l’hyponatrémie, ce qu’il confirmait.

Plutôt que de réagir immédiatement, je murissais tout cela, poussant un peu la recherche en multipliant les lectures.

Puis j’arrivais aux conclusions suivantes :

  • Je bois correctement, cependant il faut que je trouve un moyen d’éviter l’hyponatrémie
  • Ce qu’il dit sur l’hydratation, ça s’applique aussi sur la nutrition

En effet, si ma stratégie de nutrition était identifiée comme non optimale, mais me permettait de fonctionner ; après tout, j’ai suffisamment de réserves caloriques sur moi pour terminer une sortie de 24h, même si cela nécessite de rouler très lentement ; ce que j’avais totalement mis de côté, c’est que ma pratique actuelle ne se limite pas à une sortie. Je m’entraîne au moins cinq jours par semaine, avec un volume moyen supérieur à 10h hebdomadaires. Rouler sur la réserve à chaque fois, c’est totalement con.
S’il peut être intéressant de rouler sur la réserve de temps en temps, pour forcer un stress sur son organisme auquel il devra s’adapter, et pour s’entraîner mentalement à rouler dans le dur, le faire systématiquement, c’est stupide.
Surtout si l’objectif est de progresser sur des efforts situés entre 30mn et 2h.
Pendant que l’organisme va s’adapter à fonctionner sur la réserve, il ne va pas pouvoir s’adapter à opérer à très haute intensité en brûlant un maximum de calories disponibles en illimité.

M’alimenter correctement pendant une activité, ça allait non seulement me permettre de mieux performer pendant celle-ci, mais surtout de permettre à mon organisme de mieux se préparer pour la prochaine !

Clairement, je n’invente rien ici. J’avais déjà lu de nombreux textes qui disaient globalement la même chose. Peut-être que ce n’était pas dit de manière suffisamment explicite ou peut-être que mes œillères du calories out m’empêchaient de voir ce qui était sous mon nez ; quoi qu’il en soit, je n’avais pas eu cette réalisation de l’erreur dans laquelle je persistais.

Une fois encore, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, et même aujourd’hui, je continue à expérimenter ; mais sur l’année, j’ai clairement vu comment ce changement de stratégie a révolutionné (oui !) ma pratique.
J’en parlais dans mon bilan, en dehors de quelques activités très intenses, suite à ces modifications, je pouvais rouler 1h ou 6h et finir dans le même état : prêt à recommencer ! Absolument inimaginable encore quelques mois avant.
Et selon le principe du cercle vertueux : pouvoir rouler plus longtemps en pleine forme grâce à l’alimentation, ça a augmenté mes capacités physiques, qui font que je roulais encore plus longtemps et en me sentant toujours mieux…

Si je devais essayer de synthétiser la stratégie que j’emploie aujourd’hui, ce serait ainsi :

  • J’ai programmé une alerte toutes les 35mn sur mon GPS pour me notifier de manger
  • Si j’ai prévu de rouler plus de 4h, alors je m’arrête au moins toutes les 2h30 pour faire un repas bonus (boulangerie…)
  • À chaque fois que je termine les deux bidons de 750mL, je prends deux pastilles de sel

Carb is life

J’y reviendrai peut-être dans le détail dans un autre article, mais quand je parle de nutrition pendant l’effort, globalement, je parle de glucides. Les lipides et les protéines, on s’en branle complet pendant l’effort.

Raison pour laquelle les pâtes de fruits, les barres et les gels (ça j’y reviendrai !), c’est la base.
À la boulangerie, forcément, il y a plus ou moins de gras dans ce qu’on va y trouver, mais l’idée, c’est d’en profiter pour se poser quelques minutes au lieu de manger en roulant et de manger quelque chose avec un peu plus de goût que ce qu’on peut glisser dans les poches du maillot.

En profiter également pour boire un Orangina (cœur avec les doigts) même si l’astuce pour les boissons, c’est les stations services, qui ont un choix de boissons fraîches impressionnant, même au milieu de nulle part. Et en plus voir un cycliste s’arrêter dans une station service ça fait sourire le personnel et les autres clients.

Pour l’hydratation, les capsules de chez Decathlon sont une vraie réussite. Suffisamment petites pour en glisser quelques-unes en permanence dans sa sacoche de selle ou dans la pochette pour papiers/clés.
Même si elles portent le nom capsules de sel, elles ne contiennent pas que du chlorure de sodium, mais également les autres electrolytes nécessaires ainsi que quelques vitamines pour le lulz.
Aucun problème de goût puisque ça se descend avec une gorgée d’eau.
Depuis, l’hyponatrémie n’est plus qu’un lointain souvenir.
L’apport de sel pendant l’effort est un sujet qui fait débat depuis des années. Certains jurant que c’est nécessaire. D’autres que ça n’a aucun effet sur les performances.
Me concernant, je sais que me retrouver en hyponatrémie va forcément réduire mes performances, alors éviter cet état est forcément positif. Ça s’arrête là dans ma réflexion.

Si avant, je n’arrivais pas à boire autre chose que de l’eau claire, j’ai commencé à introduire la maltodextrine dans les bidons, qui a l’avantage de ne pas avoir un goût sucré (me concernant) lorsque fortement diluée, et d’apporter quelques calories bonus.

Là où j’ai vraiment réalisé que ça fonctionnait, c’est lors de ma sortie épique du Ch’ti Bike Tour où j’ai dépensé approximativement 6000 calories sur le vélo et j’ai pu continuer le reste de la journée presque comme si je n’avais pas fait cette activité avant.
À titre de comparaison, cela représente environ 1.6kg3 de pâtes sèches.
Autant dire qu’il était important de se nourrir correctement et de manière bien plus concentrée pour pouvoir ne pas finir sur les genoux.

Cependant, je garde à l’esprit que mon fonctionnement reste très amateur, est loin d’être optimisé et qu’il me reste encore énormément à apprendre.
Je n’utilise pas les produits4 issus des dernières innovations technologiques et je n’en suis pas encore à calculer mes apports pour voir si je me trouve dans les plages hautes (entre 90 et 120g de glucides par heure).

Je compte évidemment continuer à expérimenter et partagerai mes éventuels résultats.

Dernier rappel pour la forme : je n’expose ici que mes observations, cela ne signifie pas que ça fonctionnera pareil chez les autres. À chacun de faire ses propres tests, c’est d’ailleurs là où c’est amusant !