Lors des vacances de Noël, on m’a un peu forcé la main pour regarder le premier épisode la série documentaire Clarkson’s Farm.

Sans grande surprise, je ne me suis jamais intéressé au personnage. Que ce soit Top Gear ou The Grand Tour par la suite; regarder des individus s’amuser à faire n’importe quoi à travers le monde au volant de voitures diverses et variées, si possible en s’assurant qu’elles finissent à la casse avant la fin de l’émission… meh.

Donc forcément, l’idée de voir un boomer faire la même chose dans une ferme, ça me rappelle Massimo Gargia dans La Ferme Célébrités et… re-meh.

J’aurai pris mon temps mais finalement j’ai regardé chacun des huit épisodes.

Kaleb Clarkson’s Farm

Pour l’aspect positif, ça n’était pas (tout à fait) conforme à ce à quoi je m’attendais. Et on voit que Jeremy s’est réellement impliqué dans le projet. Il a bossé et, au vu de ses réactions, il semblait vraiment touché par l’issue, positive ou négative, de certains évènements liés à l’activité.
Le concernant, ça s’arrête là.

A côté, le reste du casting est plutôt sympathique, avec en particulier Kaleb (voir photo ci-dessus), dont les répliques et sa relation avec son employeur sont à mourir de rire. Il semble également être un excellent fermier.

C’est d’ailleurs le dernier point positif de la série, mais pas des moindres.
Elle donne une très bonne image de la profession, que ce soit dans le rôle qu’ont ces professionnels dans notre société, l’attachement qu’ils peuvent avoir envers les terres et les animaux qu’ils travaillent ainsi que le côté authentique de leur activité. Enfin, les difficultés qu’ils rencontrent face à l’absurdité du système selon lequel est organisée notre société.

Mais c’est là que l’on bascule dans le négatif.

En effet, à de nombreuses reprises on peut voir à quel point l’agriculture n’est pas viable économiquement. Que sans les aides de l’État (ça se passe dans une Angleterre post-BREXIT donc cheh la PAC) ce serait la faillite immédiate. Et que pour pouvoir prétendre à ses aides, il faut se plier à des dizaines et des dizaines de normes et réglementations, qui changent constamment et qui apparaissent être des absurdités sorties de bureaux londoniens tant leur application dans le monde réel semble contre-productive.

Pour autant, Jeremy n’est pas un agriculteur comme un autre puisqu’il a lui-même un patrimoine très confortable et que son activité semble soutenue par la production Amazon de la série. Résultat il engage régulièrement des dépenses colossales que ne pourrait se permettre un exploitant normal. Et malgré ce capital supplémentaire, il réalise un profit ridicule. Alors qu’en est-il des autres, qui n’ont pas eu cet influx d’argent ? On n’en parle pas.

En plus de cela, Jeremy use de sa célébrité pour tenter d’améliorer les ventes de sa boutique. Là encore, les autres n’ont pas des millions de followers à portée de téléphone.
J’aurai aimé savoir comment il s’en serait sorti sans ces deux jokers. Le voir impliqué en tant que vrai agriculteur.

Sa fan-base introduit un autre problème de la série. Alors qu’il prétend, en tant que neo-agriculteur, essayer de faire le bien pour protéger la nature; il décide de faire appel à ses fans du monde entier pour venir lui acheter… ses pommes de terre.
Résultat, des embouteillages sur des kilomètres se forment autour de son terrain perdu au milieu de la campagne, avec des gens parcourant des distances plus ou moins importantes pour venir acheter… des pommes de terre.
L’absurdité totale. Ou comment engendrer une pollution complètement inutile. Tout ça pour faire écouler… des pommes de terre.
Que chacun aurait pu acheter pour moins cher à côté de chez soit.

Et c’est une sujet qui revient souvent, où il prétend agir pour le bien de la planète. Par exemple quand il loue une pelleteuse pour creuser un bassin au milieu d’une zone naturelle qui se débrouillait très bien. Le chantier, évidemment, se transforme en catastrophe et nécessitera de brûler probablement plus de carburant non renouvelable que ne peut en contenir le dit bassin.
Même chose quand, plutôt que de planter de jeunes arbres achetés à proximité, il préfère faire affréter des arbres de plusieurs dizaines de mètres de haut qui nécessiteront l’usage de machines très énergivores pour les déplacer et les planter.
Si localement cela peut donner l’impression d’une amélioration; il ne fait aucun doute que globalement le bilan est négatif. Il cherche à se donner le beau rôle alors qu’en réalité, il aurait été plus bénéfique en ne faisant… rien !

Une autre situation illustre très bien ce bilan. Il a décidé qu’il voulait faire des moutons. Sans aucune considération du coût d’achat et d’entretien des bêtes, quand vient l’heure de la tonte, le calcul est simple : il paie £1.75 le tondeur par mouton; et vends la toison £0.4. Soit une perte sèche de £1.35 par animal.
C’est la même chose avec ses idées farfelues d’amélioration de ses terres : il améliore localement de 0.4 mais pour cela il crée 1.75 de dégâts globalement.
Si on garde l’angle de la caméra suffisamment serré, ça marche ! Si on recule, c’est catastrophique. Car c’est néfaste mais en plus on fait croire que c’est positif.

Un autre problème qui est parfaitement mis en image, c’est l’absurdité de nos comportements (oui, j’inclue tout le monde ici) face au dérèglement climatique. Après avoir subit les pires pluies depuis des décennies à l’automne, l’exploitation se retrouve face à des records de sécheresse au printemps. Face aux risques que cela implique pour les cultures, quelle solution va employer Jeremy pour tenter d’y remédier ?
Brûler des litres de carburant non renouvelable, évidemment !
C’est ainsi qu’on passer des heures dans son tracteur pour aller pomper 4000 litres d’eau dans une rivière à des kilomètres de ses champs, avant de disperser le contenu de la cuve en quelques minutes pour couvrir une surface ridicule.
Même chose lorsqu’il souhaite pomper l’eau de son bassin pour arroser une prairie. Il juge l’usage de panneaux solaires pas assez efficaces et décide d’utiliser à la place une pompe… au diesel.
Brillant !
Quand on dit soigner le mal par le mal, on fait référence à la chimiothérapie par exemple, avec l’objectif de tuer les cellules qui risquent de tuer l’individu.
Là, en voulant remédier à un problème (le manque d’eau) par l’usage de techniques qui sont très certainement à l’origine du problème, ça relève de la folie et ne fait qu’aggraver la situation pour l’avenir.

Je terminerai en parlant de Jeremy lui même (après tout la série porte son nom) qui s’avère globalement agaçant. Dès le départ, il se comporte en bourgeois ignorant, qui espère combler son manque de savoirs et compétences par l’épaisseur de son portefeuille. C’est comme ça qu’il se retrouve à acheter, en Allemagne, un tracteur Italien (évidemment) qui s’avère totalement inadapté à son exploitation.
Il est trop haut pour son hangar. Il possède un attelage européen qui n’est pas compatible avec les machines qu’il possède déjà. Il est trop large pour son semoir….
Ce genre de bourdes, il en fait en permanence. Parfois c’est drôle car c’est inoffensif. Comme quand il installe une barrière trop petite pour fermer l’enclos. Mais souvent c’est désolant car c’est très dangereux.
J’ai déjà parlé de ses tentatives de se lancer dans la protection de l’environnement et qui s’avèrent en réalité totalement contre-productives.
A un autre moment, il affirme, droit dans ses bottes, que les deux avocats qu’il tient dans ses mains ont produit plus de pollution que ne pourrait le faire l’usage d’une Polo pendant un an.
Évidemment, c’est totalement faux. On parle de 850g de CO2 pour deux avocats. Une Polo c’est ~100g/km. Oui, 100 grammes par kilomètre ! Contre 425 grammes par avocat ! Donc soit il considère que l’usage annuel moyen d’une voiture est de 8.5km, soit c’est un énorme mensonge.
Mais le plus gros problème c’est que ça a été pris pour parole d’évangile par ses fans petrolhead qui refusent de voir la vérité en face et qui cherchent par tous les moyens une justification à leur mode de vie destructeur. Il suffit de rechercher “avocado clarkson” pour se rendre compte de la situation.
Encore une fois, il aurait mieux fait de se taire que de dire de telles âneries. Car après avoir vu cette série, des gens sont maintenant convaincus que rouler toute l’année en voiture est moins polluant que manger… deux avocats. Alors s’ils se tiennent éloignés de ce fruit du démon, ils peuvent bien brûler des centaines de litres de diesel par an.
Et même si parfois il semble prendre conscience de certaines choses, que ce soit vis à vis de l’environnement ou de son bétail, comme quand il semble verser quelques larmes après avoir dépose des brebis à l’abattoir; au final il balaie ça d’un revers de la main à la première occasion, en se faisant rapatrier une voiture depuis l’autre côté de la planète ou en se préparant le dîner avec la viande de ses brebis…
Là encore, son comportement illustre parfaitement le notre, en tant que société d’individus. Et c’est finalement très triste et désespérant.

De la même manière qu’aucune explication ou idée de résolution n’est fournie concernant la situation invivable des agricultures, c’est tout aussi le néant concernant la planète.

Je n’attendais pas à ce que la série offre des solutions, mais dans ce cas autant ne pas en parler. Encore moins si c’est pour propager des informations mensongères qui ne peuvent qu’aggraver la situation.
Volontairement ou non d’ailleurs. C’est là aussi une partie du problème. Je n’ai pas réussi à déterminer s’il était foncièrement mauvais (comme certains savants de Marseille) ou s’il était simplement stupide.