Le Père Goriot - Honoré de Balzac : Argh !
J’ai totalement accroché au portrait social qu’il dresse, ainsi qu’au fond de l’histoire.
Cependant, le style ce n’est vraiment pas possible.
La galerie interminable de personnages, qui s’intègrent, semble-t-il, à sa Comédie humaine, mais qui ici dessert complètement.
On passe d’un évènement sans intérêt à un autre en permanence, avec des dialogues peu pertinents ; si bien qu’il aurait pu faire passer les mêmes idées dans un livre ne faisant qu’un tiers de longueur.
Pas pour moi l’Honoré.
Je retiendrai quand même un passage particulier : “Il faut partir de bonne heure, si nous sommes pris dans la file des voitures, nous serons bien heureux de faire notre entrée à onze heures.” ; où l’on apprend ainsi qu’au début du 19ᵉ siècle, les embouteillages de voitures étaient déjà un problème ; #MerciHidalgo !

Vous aurez des succès. A Paris, le succès est tout, c’est la clef du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront, si vous ne les détrompez pas. Vous pourrez alors tout vouloir, vous aurez le pied partout. Vous saurez alors ce qu’est le monde, une réunion de dupes et de fripons. Ne soyez ni parmi les uns ni parmi les autres.
[…]
Un des privilèges de la bonne ville de Paris, c’est qu’on peut y naître, y vivre, y mourir sans que personne fasse attention à vous. Profitons donc des avantages de la civilisation.
[Le Père Goriot - Honoré de Balzac]

Shetland (Saison 5) : Ça se laisse regarder.
Ils ont encore réussi à produire une intrigue originale et complexe, qui perd le spectateur en permanence.
Par contre, la façon dont ils gèrent la violence, c’est légèrement ridicule.
Dans le dernier épisode, alors qu’il y a déjà eu plus d’une dizaine de morts et que les méchants ont démontré à mainte reprise leur dangerosité ; voir DI Jimmy Pérez se pointer de nuit, seul, les mains dans les poches de son caban, sur un bateau où se trouve le principal suspect, ça frôle la faute professionnelle.
Comme quand il passe son temps à manipuler à mains nues les scènes de crime.
Si certaines séries poussent le vice un peu loin sur l’usage d’armes ou la contamination de scènes de crime, ici ça manque clairement de bon sens.

Shetland (Saison 6) : Toujours quelques détails agaçants mais, cette fois, c’est moins gênant, d’autant plus qu’en dehors d’une intrigue bien tordue, ils sont revenus à utiliser les évènements comme prétextes pour une réflexion plus profonde.
Intéressant.

Père Goriot à vélo

La Tête et les Jambes - Henri Desgrange : Le format est particulier, du fait que le coureur imaginaire porte le même prénom que l’auteur, qui rédige des lettres à sens unique et qui suivent des interactions physiques du même jour ; et certains éléments sont particulièrement datés, que ce soit vis à vis de la pratique du cyclisme ou même la vision de la société.
Cependant, c’est un beau témoignage historique et, surtout, c’est également rempli d’observations précieuses, si l’on prend le temps de démêler le tout.
Un véritable classique oublié1, que l’on soit cycliste pratiquant ou vélocipédiste athée.

Un gourmand imbécile s’appelle un goinfre, un gourmand intelligent s’appelle un gourmet.
[…]
Plus tard, tu entendras soutenir cette théorie : que le coureur ne saurait faire autre chose que courir. Cette théorie est entièrement fausse et j’estime que le niveau de nos coureurs s’élèverait sensiblement si on pouvait les soumettre tous à un travail intellectuel quelconque. Cinq ou six heures par jour d’un travail facile suffiraient amplement à leur meubler le cerveau. Combien, parmi ceux qui ne font rien, s’entraînent sérieusement ? Combien, parce qu’ils n’ont rien à faire, passent leur temps à mal faire.
[…]
Il y a deux habitudes dont il faudra te garder soigneusement, dès ta sortie du lycée, tant elles sont tyranniques ; ce sont l’habitude du tabac et l’habitude de l’alcool.
[…]
Tu seras toujours inférieur à ces milliers d’esprits, qui vivent de la pensée. Tu ne pourras jamais te comparer à un peintre, à un poète, à un musicien. Tu fais œuvre méritoire sans doute puisque tu pourrais consacrer tes loisirs à fumer d’énormes pipes, à racoler des filles plus ou moins jolies, à boire un tas de cochonneries et à t’empiffrer quotidiennement une indigeste et succulente nourriture. Tu as raison, pouvant faire de ton ventre un dieu et de la satisfaction de tes appétits une règle inviolable, de mener une existence calme et saine.
[…]
Le service militaire te prit un beau jour pour te remettre ensuite à mes soins, dans un état voisin du crétinisme et de l’obésité.
[…]
Mon existence pendant trois mois n’avait été qu’une perpétuelle lutte de ma volonté contre moi-même. J’exerçai cette volonté jusque dans les plus minces détails. Quelque chose me plaisait-il, je me faisais comme une joie cruelle de m’en priver. Je changeai avec intention mes habitudes les plus intimes. J’avais coutume de dormir sur le côté droit, je pris l’habitude de dormir sur le dos et dès que j’eus pris cette habitude je revins au côté droit. Chaque jour, en prenant ma douche, j’avais le soin de me la faire donner de la façon qui m’était la plus pénible.
[La Tête et les Jambes - Henri Desgrange]


  1. En réalité l’expression la tête et les jambes est une expression très utilisée, particulièrement dans le milieu du cyclisme, mais rares sont ceux qui connaissent le livre de l’un de ceux à qui l’on doit le Tour de France. ↩︎