Quand j’ai appris qu’un documentaire sur Orelsan allait sortir sur Amazon Prime Video, je n’étais pas très chaud car ça sentait le montage un peu fou-fou sur ses tournées, pour faire du fanservice en grattant des pièces tout en occupant l’espace médiatique en attendant le prochain album. Non seulement sans intérêt mais au contraire plutôt triste qu’il tombe dans ce genre de travers.

J’avais quand même marqué la date sur mon agenda, par respect et par curiosité.

Et six heures après avoir ouvert APV pour lancer le premier épisode, j’étais là, devant ma télé, perdu, encore sous le choc de ce que je venais de regarder d’une traite (je me suis quand même arrêté à mi-parcours pour faire une pause naturelle).

Avec Comment c’est loin, on avait eu une fiction (très) inspirée de faits réels, là on nous présente les vraies images de ce qu’il s’est réellement passé depuis l’enfance de l’artiste jusqu’à aujourd’hui. La quantité et la qualité des archives est bluffante. Le travail de montage totalement dingue. Et surtout l’histoire racontée est magique. Une histoire de famille et de potes filmée, réalisée et narrée par… le petit frère; dingue !

Orelsan Hôtel

Dedans il y a (presque) tout, on en apprend énormément sur le personnage et son entourage, grâce à de très nombreux témoignages. Ils reviennent sur de nombreux évènements marquants, dont un en particulier : l’affaire Sale Pute.

Je m’en souviens à la fois bien et à la fois peu, car j’avais considéré, à tort, que c’était de l’histoire ancienne.

A l’époque, j’écoutais Perdu d’avance en boucle, si Changement annonçait quelque chose de vraiment cool, l’album m’avait totalement retourné la tête. En dehors de mon téléphone hébergeant les précieux fichiers MP3, les réactions étaient plus que mitigées : ceux qui aimaient le rap trouvaient ça ridicule, du “rap de blanc de province”, ceux qui n’aimaient pas le rap trouvaient ça ridicule car incompréhensible. Mais peu importe, j’avais trouvé un artiste qui me parlait comme jamais je n’avais pu le ressentir.
St-Valentin me faisait rire avec son clip superbement inspiré. Pour Sale Pute je reconnaissais la performance artistique même si ça ne me parlait pas vraiment et surtout musicalement ce n’est pas le genre de morceau que l’on peut écouter régulièrement.
A aucun moment je n’aurai pu imaginer ce qui suivrait. Principalement car le caractère fictif de la chanson était total; le fait que le personnage du clip ne ressemble aucunement à celui d’Orelsan que l’on voit dans tous les autres clips est un indice logiquement révélateur.
Mais c’est arrivé et, avec le recul, c’était finalement annonciateur d’un mouvement beaucoup plus radical et beaucoup plus pervers et toujours plus à côté de la plaque qui est parfois résumé par cancel culture.
Ce qui me paraissait clair à l’époque, c’est que ceux qui s’opposaient le plus à l’artiste étaient ceux qui n’avaient pas grand chose en commun avec l’artiste et qui ne comprenaient rien à son univers. Majoritairement des personnes d’une autre génération, qui n’avaient pas les codes, et qui plutôt que de chercher à comprendre voulaient faire disparaître ce qui les dérangeait. J’ai eu des discussions pour tenter de convaincre certaines de ces personnes (ma mère y compris), en leur faisant écouter d’autres morceaux, ceux qui, pour moi, montraient de manière évidente que quelqu’un ayant ce vécu et ce genre de pensées ne pouvait être le personnage décrit dans la chanson incriminée, mais rien à faire.
Finalement les choses se sont tassées, la justice a tranché et il a su rebondir et enfin rencontrer le succès tant mérité.
Cependant, voir les choses de l’intérieur grâce au documentaire remettent tout ça en perspective, à quel point ça a été une période difficile pour ses proches et lui, et surtout que ça aurait pu signer la fin de sa carrière.

En rédigeant cet article, j’ai découvert que des années après certains n’ont toujours pas compris et n’ont pas lâché le morceau. C’est triste surtout que ce sont parfois des personnes tout à fait respectables par ailleurs.

Merci les Chiennes de Garde pour le coup de pute !
[Orelsan - Raelsan]

A côté, il y a évidemment beaucoup d’autres choses bien plus positives, vraiment cette impression d’être avec une bande de potes qui s’amusent avec leur art. Et parfois, quand la musique se superpose aux images d’archive, on est encore plus pris aux tripes qu’avec la musique seule.

Je retiendrai également un court extrait de propos tenus par Jean-Paul Rouve, d’une justesse incroyable :

Pour vous dire, dans la chanson, pour moi, il y a eu Brassens, il y a eu Renaud, et il y a Orelsan aujourd’hui
[Jean-Paul Rouve sur France 2]

C’est exactement ce que j’ai toujours ressenti. Brassens pour la génération de nos grands-parents, Renaud pour nos parents et Orelsan pour la nôtre. Et en disant cela démontre qu’il est possible d’être de la mauvaise génération et pourtant de comprendre l’artiste qui la représente. Tant qu’on garde l’esprit ouvert, tout est possible.
D’autant plus que personnellement, ces trois artistes occupent la même place dans mon cœur, tout là-haut.

Voilà; Orelsan: Montre jamais ça à personne c’est génial, dans la lignée de ce que la bande est habituée à produire et c’est à voir pour tous ceux qui apprécient l’artiste… ou ceux qui n’apprécient pas mais seraient prêts à chercher à comprendre.