C’est avec une certaine nostalgie que je me souviens des vendredis soir en famille, alors que nous dînions en regardant les aventures de Gibbs et sa bande.

Bien que déjà rodé à l’exercice de passer par Internet pour récupérer films et série, bien avant leur diffusion à la télévision française, quitte à devoir regarder une bouille pixelisée et des sous-titres douteux ; j’éprouvais un certain plaisir à devoir attendre.

Attendre le travail d’adaptation en français.
Attendre l’annonce de diffusion de la prochaine saison.
Attendre la fin de la semaine.

Cette attente était généralement récompensée avec un bon repas et de bons épisodes.

Il y avait une dynamique, avec Gibbs la figure paternelle relativement stricte et ses fameuses règles, plus ou moins inventées à la volée.
Les membres de son équipe directe. D’abord Tony et Kate, puis l’arrivée de McGee, et enfin Ziva.
Aidés dans leurs enquêtes par des experts scientifiques. Le Dr Mallard et son assistant le Dr Palmer pour la médecine légale. Abby pour le reste.

Il nous a été difficile d’accepter le départ forcé de Kate, et encore plus l’arrivée de Ziva à qui l’on reprochait de prendre la place de sa prédécesseure… et son propre départ, des années plus tard, a été un déchirement !
McGee, le geek qui n’avait clairement pas sa place dans l’équipe (tout comme Sean Murray, qui a joué la carte du népotisme pour obtenir le rôle) mais qui a su se transformer, tant physiquement que dans son attitude.

Les enquêtes qui duraient généralement un épisode n’étaient qu’un prétexte pour suivre ces personnages, et les intrigues qui toûchaient un ou plusieurs membres de l’équipe sur plusieurs épisodes avaient un vrai impact sur ce qu’on ressentait pour eux. On s’inquiétait vraiment du sort qui les attendait.

Des cousins ont rejoint la partie, d’abord à Los Angeles, puis à la Nouvelle-Orléans, Hawaii… Mais ce n’était pas la même chose, ce n’était pas Gibbs et compagnie.

NCIS

Si NCIS n’a jamais été une grande série de qualité, avec des intrigues poussées et un jeu particulièrement prenant, c’était toutefois une valeur sûre, qui, depuis plus de dix ans, offrait un encrage de réconfort en dehors de tout ce qui pouvait se dérouler, de bien, mais surtout de mal, dans la vraie vie.

Résultat, si j’avais arrêté de la suivre via la diffusion officielle à la télévision1, je continuais, de temps en temps, à regarder les nouvelles saisons, en français pour conserver également l’aspect audio auquel j’étais habitué, sous forme de plaisir coupable.
Quand je dis, de temps en temps, c’est important, car j’ai regardé la saison 13 en 2016 et la saison 14 en 2020.
D’après les dates, je dirais que je suivais quasiment le rythme de diffusion jusqu’à la 13 et si j’ai regardé la 14, en avril 2020, c’était vraiment par besoin de m’échapper d’évènements négatifs.
J’y trouvais toutefois une certaine satisfaction.

Il y a quelques semaines, je me suis lancé dans le visionnage de la saison 15, qui a initialement été diffusée à partir de septembre 2017.
Autant dire que j’accusais un vrai retard.

Rapidement, j’ai senti un certain malaise.

D’un côté, ce qui faisait la force de la série n’est plus là.
Ziva puis Tony sont partis.
Remplacés respectivement par Ellie et Nick.
Surtout, Gibbs n’est plus Gibbs.
Il est là, certes, mais il n’apporte plus rien. Lui qui était le moteur de l’équipe, et donc de la série, est maintenant totalement apathique.
Non pas parce qu’il serait trop vieux, mais parce que c’est le rôle que lui ont donné les auteurs.
Si avec Ellie ça marche plutôt bien, Nick apparaît comme un idiot, préoccupé par sa musculature plus que tout le reste.

De l’autre, ce qui aurait dû évoluer est toujours là, inchangé.
McGee, qui était passé d’adulescent derrière son ordinateur à un vrai agent de terrain, s’est progressivement transformé en fonctionnaire pataud qui se laisse porter par les autres. Oui, c’est une évolution, certes, mais dans le sens négatif, une régression.
Abby, la gothique extravagante en blouse blanche, ça marchait quand le personnage avait une certaine jeunesse. N’apporter aucune modification après quinze ans, ça devient ridicule et ça finit par ternir.
Probablement le plus incompréhensible, c’est Palmer. Initialement, ajouter un jeune assistant maladroit aux côtés d’un expert, c’est amusant. Cependant, après plus de dix ans, et après avoir obtenu le titre de médecin légiste, il serait peut-être temps de devenir plus professionnel ?

En parallèle, ce qui m’a également sauté aux yeux, c’est le contexte très conservateur de la série.
Ça ne devrait pas être une révélation compte-tenu des personnages et de leurs relations depuis le début, et parce que le milieu militaire est rarement connu pour son progressisme, mais c’est peut-être certains évènements historiques du monde réel qui m’ont fait ouvrir les yeux sur cette réalité de la série.

Les intrigues des épisodes de NCIS n’ont, je l’ai déjà indiqué, jamais été incroyables ; mais le début de cette quinzième saison s’est montré encore bien inférieur à ce à quoi je m’attendais.

Jusqu’aux épisodes 9 et 10 : Ready or Not et Double Down.
Comme certains l’ont dit en réaction au neuvième : non, je n’étais pas prêt à une telle médiocrité.

Episode neuf, donc.
McGee va à l’hôpital pour rejoindre sa femme qui va accoucher. Il est accueilli par un très gentil agent de sécurité, policier à la retraite2.
Un vendeur d’armes international, blessé par balle, se pointe aux urgences au milieu de tous les autres patients.
Quelle coïncidence ! Et alors que trois épisodes plus tôt, un autre méchant en cavale va plutôt se faire soigner par un vétérinaire, le grand classique des fictions américaines.
Mais ça aurait empêché le reste de l’intrigue incroyable, alors passons sur cette incohérence.
Par un concours de circonstances totalement fou, car les urgences et la maternité d’un hôpital sont rarement l’un à côté de l’autre, McGee tombe sur le suspect dans la salle d’attente.
Évidemment, il va demander l’aide du policier à la retraite pour surveiller l’individu jusqu’à l’arrivée des renforts.
D’une manière absolument inattendue, le policier à la retraite va en faire beaucoup trop, faire comprendre au suspect qu’il a été identifié, se faisant tirer dessus et provoquant une prise d’otage.
Quelle maladresse !
Et parce que, vraiment, son décès prochain est mérité, dans un élan d’intelligence pure, il va demander au suspect de laisser partir McGee car, le pauvre, sa femme va accoucher, il ne faudrait pas lui faire de mal.
Offrant ainsi au preneur d’otages une information sur la valeur de l’un d’eux, qu’il ne laissera bien entendu pas partir rejoindre la future mère de ses enfants.
Mais c’est pas fini !
La patiente civile que le suspect avait prise en otage et qui avait désarmé les agents du NCIS à la demande de ce dernier, devinez quoi ? En fait c’est sa complice depuis le début ! AH AH AH ! Vous ne l’aviez pas vue venir !
Ça se termine bien et même que le policier à la retraite décède avec plus de dignité que Marion Cotillard.

Episode dix. On insiste !
Une partie de l’équipe est partie en Afghanistan pour accompagner un général/sénateur qui fait la tournée des troupes pour Noël.
Oui, il est important de rappeler au peuple américain qu’ils envoient toujours leurs jeunes citoyens se faire tuer de l’autre côté de la planète, pour maintenir l’occupation d’un territoire étranger.
Le fils du général/sénateur se casse la gueule dans des escaliers chez lui dans sa home of the brave, résultat, il veut vite rentrer pour pouvoir le rejoindre à l’hôpital.
Problème, il n’y a pas de moyen de transport aérien disponible avant 48h pour le faire sortir d’Afghanistan.
Oui, c’est évident, ils vont s’amuser à abandonner un général/sénateur dans un camp au milieu du désert, sans solution d’urgence pour le protéger/l’extraire.
Impatient de rentrer, le monsieur décide finalement d’organiser un déplacement terrestre d’urgence, pour rejoindre un aéroport situé à plusieurs heures.
Là encore, pas de chance, personne ne peut l’accompagner.
On a donc un général/sénateur qui prend la route dans un humvee conduit par un soldat, avec deux agents du NCIS pour autres passagers.
D’une manière tout à fait surprenante, ils croisent un cratère d’explosion au milieu d’une vallée.
Parce que c’est évidemment la chose la plus pertinente à faire quand on se promène en territoire occupé et que l’on est pressés de rejoindre une destination, ils décident de s’arrêter inspecter la chose, plutôt que de profiter des centaines de mètres d’espace libres de chaque côté pour contourner et poursuivre leur chemin.
Dans un retournement de situation absolument inattendu, leur véhicule s’était arrêté juste au-dessus d’un explosif câché dans le sol, qui va se déclencher lorsque leur chauffeur y retournera pour contrôler sa carte.
Quel dommage !
Ils n’ont plus de véhicule, n’ont plus leur seul compagnon militaire en service, ont perdu tous leurs moyens de communication, les dangereux terroristes qui avaient mis en place ce piège sont forcément en route, et, comble de l’infortune, le général/sénateur avait demandé au dernier moment au chauffeur de prendre une route plus rapide, mais qui n’est pas celle qui avait été discutée à la base.
Autant dire qu’ils sont dans la merde.
Cependant, ils restent très passifs, comme en atteste cette scène où l’objectif est d’être la cible la plus facile :
Easy target NCIS
En haut, le cratère qui les a forcés à s’arrêter, au milieu le général/sénateur et en bas à droite, leur véhicule qui va marcher beaucoup moins bien, forcément !
Dans un sursaut de survie, ils décident d’aller se cacher dans une grotte en attendant d’éventuels secours.
Par un rebondissement subtil, le général/sénateur se fera tirer dessus et approchera la mort ; mais il survivra quand même, ce n’est pas un vulgaire policier à la retraite.
Leur salut arrivera très subtilement, sous forme d’un autre humvee, que l’on voit à distance, arborant la bannière étoilée flottant à l’arrière. AMERICA, FUCK YEAH!
Car évidemment, un véhicule militaire américain qui circule dans le désert afghan, ce n’est pas un symbole suffisant, il reste un gros doute sur les intentions de ses occupants. Lui coller un drapeau au cul était indispensable.

Devant le cringe de cette scène, j’étais à deux doigts de jeter ma télécommande dans la télé et, une fois calmé, j’ai décidé que NCIS, c’était terminé pour moi.

Avec tout ça j’ai oublié de parler du personnage ridicule, introduit au début de la saison, qu’est Jack Sloane, psychologue et agent de terrain, caution femme mûre bourgeoise qui est là pour réveiller les instincts de Gibbs ?

Après avoir regardé les avis publics, j’ai constaté une polarisation : d’un côté ceux qui, comme moi, se demandent où est passée la série qu’ils appréciaient tant ; quand de l’autre côté, certains continuent d’applaudir leur série préférée.
La bonne nouvelle, c’est que les audiences semblent aller dans le même sens, avec un nombre de spectateurs qui a été plus que divisé par deux sur les dernières saisons.

Finalement si je prends le temps d’exprimer tout ça, c’est clairement le signe de l’attachement que j’avais pour cette série, et sa décadence me touche particulièrement.
Plutôt que de continuer à souffrir, je vais en rester là et tenter de conserver les bons souvenirs que j’y attachais.

C’est dommage, mais c’est ainsi.


  1. Je serais bien incapable de dire si M6 continue de diffuser ? ↩︎

  2. C’est ça aussi le conservatisme US, on est heureux de voir un retraité de la police contraint de travailler dans le privé ! ↩︎