Depuis quelques années maintenant, de plus en plus de villes multiplient les efforts pour rendre à ses habitants une partie de l’espace public qui avait été allouée jusqu’alors aux automobiles.
Cela passe par la création de zones piétonnes, la conversion de places de stationnement en espaces de vie ou encore, pour ce qui m’intéresse le plus, l’amélioration de l’expérience pour les cyclistes avec la créations de bandes/pistes cyclables, la mise en place de Sas Vélo (rarement respectés par les vroomers mais c’est pas le sujet) et de panneaux M12 qui, pour rappel, n’autorisent pas les cyclistes à s’abstenir du respect d’un feu orange/rouge, mais le convertissent en un cédez-le-passage.
Si je profite surtout de ces aménagements quand je me déplace pour du commute, ça ne m’empêche pas de les remarquer et d’apprécier ces changements quand je suis sur mon vélo qui va vite.
Avec ce vélo, l’idée étant de couvrir rapidement des distances importantes, je multiplie, au cours d’une sortie, les traversées de villes mais surtout de villages. Et le contraste est flagrant.
Là où les villes cherchent à rendre la circulation des cyclistes plus agréable et sécurisée, les villages font tout l’inverse.
Cependant, cela n’est pas le résultat direct d’un volonté de nuire aux cyclistes; car concrètement les administrés des villages n’ont strictement rien à faire de ces derniers, mais ce sont toutes les stratégies mises en œuvre afin de tenter de ralentir les automobilistes qui pourrissent la vie des locaux1 qui viennent également rendre la vie difficile et dangereuse aux cyclistes de passage.
Petit tour d’horizon de ces aménagements et de leurs conséquences pour les cyclistes.
Les ralentisseurs. C’est de loin le plus populaire de tous. On peut en croiser une dizaine dans la traversée d’un seul village. Leur nuisance varie énormément. Les coussins, qui laissent un espace libre sur le côté, peuvent être tout simplement évités par un cycliste et avoir une nuisance quasi-nulle. Par contre les surélévations type plateau, certaines sont suffisamment réduites sur les côtés pour approcher d’une expérience type coussin. Mais d’autres couvrent absolument toute la largeur et sont d’une verticalité telle que la seule solution pour éviter un choc consiste à faire un saut à la montée puis à la descente.
Les écluses/chicanes. La plupart du temps il y a largement la place pour qu’une voiture et un cycliste puissent s’y croiser. Pour autant, si le cycliste n’a pas la priorité, cela peut être légitimement mal pris par l’automobiliste que le cycliste s’engage malgré tout. A l’inverse, si le cycliste a la priorité mais que l’automobiliste en face décide de s’engager car c’est qu’un cycliste, c’est une tentative d’assassinat claire et nette. Dans le premier cas, le cycliste a jugé qu’il pouvait se mettre en danger pour éviter de trop ralentir/s’arrêter. Dans le second, l’automobiliste à décidé qu’il pouvait mettre en danger le cycliste pour éviter de ralentir/s’arrêter. La nuance est claire ?
Surtout qu’il est tout à fait possible de construire une écluse cycling-friendly. Bon ici, dans ce sens-là, il y a ensuite un aménagement merdique dont juste après; mais l’idée est là.
Les priorités à droite. L’idée est simple : la voie principale qui traverse un village doit laisser la priorité à tous les usagers provenant des voies secondaires perpendiculaires. C’est une pratique qui se multiplie rapidement, avec de plus en plus de panneaux ATTENTION : Changement du régime de priorité dans la traversée du village.
Financièrement c’est malin, les priorités à droite ça ne coûte rien. Pas besoin de peinture pour matérialiser des stops/cédez-le-passage sur la voie principale ou les secondaires. Pas besoin de macadam pour des ralentisseurs. Pas besoin de poteaux pour des écluses. Pas besoin d’installer des feux. Pas besoin de construire un carrefour giratoire.
Du génie ! Il suffit de ne rien faire et automatiquement espérer que tout le monde joue le jeu pour que les automobilistes ralentissent, que les accidents ne se multiplient pas et que la circulation reste fluide aux heures de pointe.
Pour les cyclistes par contre c’est de la merde.
Car sur les priorités à droite aveugles à cause des bâtiments/de la végétation, même 30kmh c’est trop rapide pour pouvoir s’arrêter à temps pour laisser passer un véhicule qui arriverait de la droite. Résultat il est absolument nécessaire de ralentir à chaque intersection alors que l’on respecte déjà la limitation de vitesse.
Car les automobilistes qui suivent un cycliste ont souvent tendance à ne voir que lui et ne rien anticiper d’autre. Résultat si le cycliste pile à une priorité à droite, l’automobiliste, suivant le cycliste de bien trop près, risque très fortement de percuter le cycliste qui ne fait que respecter les règles.
Car les automobilistes qui respectent ces priorités lorsque c’est un cycliste qui a la priorité sont rares. Résultat un cycliste avec la priorité se retrouve à subir un stop inexistant.
Les stops. C’est un aménagement relativement simple, clair et potentiellement efficace. Bien souvent converti en un simple cédez-le-passage, il a au moins l’avantage d’être compris et anticipé par une majorité d’automobilistes.
Seulement de plus en plus de communes s’amusent à mettre des stops dans toutes les directions d’une intersection. Ce qui techniquement peut provoquer une impasse mexicaine mais qui dans les faits est surtout très souvent ignoré par les habitués. Le plus typique est un automobiliste qui arrive en face et décide de griller le stop et de tourner sur sa gauche, coupant alors la route du cycliste qui avait respecté le stop.
Les feux comportementaux ou encore feux intelligents. L’idée c’est que le feu est rouge par défaut et il passe au vert s’il détecte un véhicule en approche à une vitesse inférieure ou égale à la limite autorisée.
La théorie est plutôt bonne. La pratique c’est que bien souvent le cycliste n’est tout simplement pas détecté. Donc peu importe la vitesse à laquelle il circule, la seule solution pour pouvoir franchir le feu au vert est de suivre un automobiliste respectant la limitation de vitesse. Complètement débile.
Et ça se transforme aussi en punition lorsqu’un cycliste circulant à une vitesse adaptée se retrouve, souvent suite à un dépassement, derrière un automobiliste ne respectant pas la limitation de vitesse.
Là encore il existe une solution très simple, qui consiste à apposer un panonceau M12 sur le feu (ici un M12b).
Là où ça devient vraiment dangereux, c’est quand un automobiliste ne fait preuve d’aucune anticipation et d’aucun respect du code de la route et des règles de sécurité, va vouloir dépasser à tout prix le cycliste situé devant lui, en dépassant allègrement la limitation de vitesse, avant de se retrouver immédiatement contraint de ralentir face à un aménagemeent prévu à cet effet.
Résultat, le cycliste qui circulait normalement, se retrouve avec une voiture qui pile juste devant lui, l’obligeant à faire de même ou à faire un écart pour éviter l’impact.
Ce genre de situation absurde se produisant au moins une fois par sortie.
Au final c’est une fois de plus les usagers faibles qui subissent les conséquences du comportement des automobilistes. Et j’essaie autant que possible de ne pas y penser pour ne pas gâcher mes sorties. Mais comme ces aménagements sont de plus en plus nombreux, et les mises en danger qui vont avec également, c’est compliqué car pour rester en vie il est nécessaire d’anticiper les situations dangereuses qui vont découler des aménagements.
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Très important à préciser. Dans le village A, les habitants vont subir le trafic de traversée des habitants des villages B et C. Mais les habitants de A vont ensuite faire subir leur trafic de traversée aux habitants des villages B et C. C’est un problème sans fin compte-tenu de la dépendance à l’automobile des ruraux. ↩︎