Début septembre, je tentais d’exprimer mon point de vue sur la façon dont la société a trop souvent tendance à vouloir créer à partir d’être humains, des icônes qu’elle peut vénérer, avant de le regretter.
Hier, je tombais par le plus grand hasard sur la couverture du dernier Télérama :
Forcément, j’étais intrigué de voir ce qui semblait être l’annonce d’un dossier qui abordait exactement la même question que mon article.
Malheureusement l’équipe commerciale du magazine a décidé qu’il n’était pas possible d’acheter une version numérique individuelle, et qu’il fallait nécessairement souscrire un abonnement pour y accéder.
M’obligeant à recourir à ma fidèle source de contenu numérique pour mettre la main sur le PDF.
J’aurais dû m’en douter, mais le dossier (deux petits articles en réalité), est très superficiel et ressemble plus à un exercise de style dans le trempage d’orteils en eau froide, qu’à une réelle plongée dans un sujet brûlant.
D’autant plus que les auteurs se concentrent surtout sur la responsabilité des journalistes et des médias en général.
C’est tout à leur honneur de faire leur auto-critique, mais, comme je l’exprimais, je pense que la responsabilité est collective.
Dans cette mystification collective, la fabrique médiatique si friande de héros populaires porte évidemment une part de responsabilité. Pendant que des cadres d’Emmaüs et des évêques manœuvraient secrètement pour éviter le scandale, des médias édifiaient une figure semblant si bien incarner la bonté qu’il devenait sacrilège d’interroger ses facettes plus obscures.
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Pour le journaliste en quête d’incarnation efficace, la figure du grand témoin inspirant est commode.
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Pas sûr, cependant, que nous soyons prêts à questionner la perfection de nos héros. Pourquoi aimons-nous tant les idéaliser ? Le philosophe Marc Crépon esquisse une hypothèse : “Entourés par le mal et les divisions, nous avons besoin de figures rassembleuses qui nous permettent de croire en la possibilité du bien. L’abbé Pierre nous prouvait que la solidarité et la générosité ne sont pas des idées abstraites, et que nous pouvons transcender notre existence au service des autres. C’est pourquoi la révélation de ses crimes est, pour beaucoup, insoutenable.”
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Le capital sympathie dont jouissent certaines célébrités auprès du grand public constitue encore le moteur principal de la collecte de fonds. Mais en cas de dérapage, voire de sortie de route, ces têtes d’aiche n’engagent évidemment pas le collectif de la même façon si leur implication se limite à un soutien ponctuel, le temps d’un spectacle, ou si elles en sont les figures tutélaires. Car c’est bien l’un des risques majeurs de la personnification : que la chute d’une icône entraîne la structure avec elle.
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L’incarnation a de surcroît l’inconvénient d’offrir des prises aux ennemis de la cause défendue. On se souvient du déferlement de haine suscité par la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg […] Pour les climatosceptiques, il est plus aisé de s’attaquer à la lanceuse d’alerte, dépeinte en gamine hystérique ou en robot incapable d’émotion […] qu’au message, l’urgence d’agir contre le réchauffement.
[Enquête sur la fabrique des héros]
Cependant, c’est rassurant de voir que cette question a droit à une exposition nationale.
J’ai bon espoir que cela amène de nombreux concitoyens à revoir leurs habitudes.