La question m’ayant été posée à plusieurs reprises ces dernières semaines, je me suis dit que j’allais y répondre dans un article, pour fournir un éclairage plus développé et pouvoir m’y référer plus tard.
Mais pourquoi donc est-ce que de nombreux cyclistes (sur route) se rasent-ils les jambes ?
Ce qui suit est basé sur mon expérience personnelle, des discussions avec d’autres cyclistes, des interviews et différentes lectures. Il n’y a pas de classement particulier.
Pour le style
En cyclisme sur route, rouler en court, ça veut dire mettre un cuissard court et un maillot à manches courtes. Le cuissard, pour des questions d’efficacité dans les mouvements, d’évacuation de la sueur et d’aérodynamisme est fait dans une matière élastique qui colle à la peau et compresse les cuisses. Résultat, sans se raser les jambes, non seulement les poils vont avoir tendance à dépasser du cuissard, mais pour la partie inférieure le volume des poils va beaucoup plus ressortir. Avec une pilosité réduite ou des poils clairs, ça peut encore passer. Mais avec des poils foncés et une couverture élevée, c’est limite repoussant.
Alors que des jambes bien lisses, bien musclées, bien bronzées et congestionnées, c’est sacrément sexy !
Pour ceux qui, comme moi, ont les jambes tatouées, en se rasant ils constateront immédiatement que ces derniers sont bien plus jolis lorsqu’ils ne sont pas traversés et couverts par des poils. Les couleurs et les traits ressortent, c’est magnifaïque.
Enfin, puisque la majorité des cyclistes professionnels se rasent, le faire en tant qu’amateur permet de signaler aux autres qu’on n’est pas là pour faire rire les mouettes ou que l’on n’est pas un Fred pour nos amis anglophones. Plus généralement, c’est un signe d’appartenance à la communauté, plus subtil que d’acheter le maillot de son équipe World Tour préférée.
Pour le confort
Que l’on roule seul à un rythme tranquille ou que l’on participe à une course dans une peloton de 150 coureurs, arrive toujours un moment où l’on va se blesser les jambes. Que ce soit en tapant dans une pédale, en se prenant un caillou à grande vitesse, ou simplement en tombant. Et pour soigner cette blessure, ne pas avoir de poils rend la chose bien plus aisée. Que ce soit pour le nettoyage/désinfection, l’application d’une crème cicatrisante et, le cas échéant, l’application mais surtout le retrait d’un pansement. Rien de plus chiant que de retirer un pansement posé sur une peau couverte de poils.
Également, quand on passe des heures dehors, de préférence au soleil, il convient de se protéger la peau en appliquant une crème solaire. Là aussi, le faire sur une peau sans poils est bien plus rapide et efficace.
Même chose pour l’hydratation de la peau ou la protection contre le froid.
Certains cyclistes font également appel à des masseurs pour favoriser leur récupération. Ces professionnels utilisent bien souvent des lotions qui, là encore, s’appliquent plus simplement sur des jambes rasées.
De plus, l’air circule mieux (voir point suivant) sur des jambes rasées, ce qui en plus de provoquer une sensation agréable permet d’évacuer la sueur plus facilement, évitant de se retrouver avec des chaussettes trempées par la sueur ayant dégouliné des jambes.
Enfin, si les cuissards modernes sont équipés de bandes antidérapantes à l’extrémité des jambes pour que tout soit maintenu en place, celles-ci ne fonctionnent que directement sur la peau. Si une couche de poils est présente entre la peau et les bandes, le cuissard va glisser et va avoir tendance à remonter pendant l’activité. Pas pratique.
Pour les watts
Pendant longtemps il y a eu ce débat pour savoir si oui ou non se raser les jambes permettait d’améliorer le CdA d’un coureur et donc d’aller plus vite pour un effort constant. Aujourd’hui, avec la démocratisation des technologies de test, comme les souffleries, tout porte à croire que oui. Les chiffres peuvent paraître faibles, mais quand on sait combien certains dépensent dans du matériel de luxe pour des gains similaires voire plus inférieurs, ou que simplement à très haut niveau chaque watt compte, ce bonus procuré par des jambes rasées est vraiment cadeau. S’en priver reviendrait à se pénaliser face à ses concurrents.
Bonus
Se raser les jambes pour une femme serait un signe de soumission au diktat du patriarcat; alors le faire pour un homme serait un signe de rébellion face au patriarcat ?
Quelques précautions
Il est question uniquement de se raser les jambes. Par soucis d’esthétisme on pourrait être tentés de tout raser jusqu’à la taille. Ce serait une erreur. Cette pratique provoquant de légères irritations de la peau et augmentant le risque de poils incarnés, il est de base recommandé une exfoliation hebdomadaire minimum; mais, surtout, pour la zone très sensible au contact de la selle du vélo, il est important d’y laisser les poils tranquilles, qu’ils puissent jouer à plein leur rôle protecteur et d’éviter les effets secondaires du rasage susnommés.
Le plus simple étant alors de converser un slip de poils. Adieu le style dans les soirées échangistes.
Mais alors, rasage ou épilation ?
Techniquement, épilation veut dire supprimer des poils, mais dans le langage courant, on distingue le rasage de l’épilation : se raser se fait en prenant un outil coupant/tranchant pour réduire la taille du poil, tandis que s’épiler se fait en prenant un outil qui permet d’extraire le poil et sa racine de la peau.
Pour les jardiniers, c’est la même différence qu’entre tondre une pelouse ou arracher des poireaux.
Je ne vais pas rentrer ici dans les détails, puisque je n’ai pas le bagage scientifique nécessaire, mais concrètement, se raser est relativement rapide et indolore, tandis que s’épiler prend plus de temps et se fait dans la douleur. En contrepartie, les poils repoussent rapidement après un rasage et paraissent plus épais car ils présentent un biseau créé par la lame; tandis que des poils épilés prennent beaucoup plus de temps pour repousser et présentent une pointe fine et douce.
Le choix se fait avant tout par rapport au mode de vie.
Si l’on est un employé de bureau qui n’expose ses jambes que lors de ses loisirs, alors préférer le rasage, qui sera effectué en amont d’une activité de loisir, afin d’avoir des jambes parfaites à chaque fois. Simple et rapide. Et évidemment, GCN a fait une vidéo sur le sujet.
Si l’on est une personne qui expose ses jambes la majorité de la semaine, alors préférer l’épilation, qui nécessitera un rappel hebdomadaire pour les plus velus, mais qui permettra d’avoir des jambes à l’aspect propre pendant plusieurs jours sans soin particulier.
Sur route ?
Au début de l’article, j’ai précisé que cela concernait les cyclistes sur route. Pourquoi ?
Parce que ce n’est pas une activité vraiment développée chez les autres pratiquants.
Évidemment, chez ceux qui ne font pas du vélo de manière sportive, ce n’est pas une question qu’ils se posent.
Le débat se fait avec les vététistes qui ont une pratique (supposée 😉 ) sportive. Chez ceux qui font du XC et qui s’habillent globalement comme un cycliste sur route, le rasage est aussi de rigueur. D’autant plus que le risque de blessures est bien plus élevé dans un terrain accidenté. Par contre, chez les autres, l’idée même de porter un cuissard et, pire encore, de se priver de ce qu’ils voient comme un signe de leur virilité (on parle toujours de poils…), est tout simplement inconcevable. Drôles d’individus.
Et les pistards alors ? Honnêtement j’ai du mal à créer une distinction entre pistards et cyclistes sur route, tant le matériel et les mentalités sont proches. De plus, les pratiquants de l’une sont souvent des pratiquants de l’autre.
Et Zwift ? Bonne question ! L’aspect évacuation de la sueur est intéressant, et peu importe la saison extérieure, compte-tenu des températures intérieures, c’est cuissard court toute l’année. Mais personnellement lors de la période hivernale (d’octobre à avril… lol) je laisse mes jambes tranquilles car les contraintes du rasage surpassent largement les avantages.