Difficile d’y échapper, cette semaine était lancé Qwant, le moteur de recherche soit disant made in France.
Le 14 Février, tous les sites d’actu orientés tech y sont allé de leur petit article, racontant tous la même chose; ce qu’ils avaient pu lire dans l’interview de Jean-Manuel ROZAN publié par LeFigaro.fr le 12 Février, soit deux jours plus tôt.
En parallèle de l’article, une version plus complète de l’interview était publiée sous forme de vidéo sur Le Buzz Média, partenariat entre LeFigaro.fr et Orange.
De cette vidéo, on retiendra plusieurs choses :
- M.ROZAN ne sait pas très bien avec qui il travaille puisque c’est Enguerand RENAULT, l’animateur, qui doit lui souffler que Pertimm travaille pour Pages Jaunes.
- A aucun moment il n’est question du comment; derrière le terme moteur de recherche Web, il y a en réalité d’un côté le moteur en lui même qui associe des URLs avec des mots-clés (indexation) et de l’autre, l’outil chargé de collecter ces URLs, le robot d’indexation ou crawler (crawling).
- Enfin, concernant le sujet de la monétisation, M.ROZAN parle d’une affiliation sur la partie shopping, qui pourra être mise en place une fois l’audience obtenue.
Comme beaucoup de monde, j’ai fait quelques petites recherches, et je suis vite parti, assommé par le contenu mal agencé, et la difficulté de lecture des résultats.
Et puis ce matin, au détour d’un tweet, je suis tombé sur cet article :
J’ai commencé mon test par la recherche Web afin de la comparer avec Google et Bing. Ces deux étant les références actuelles pour la recherche sur le Web.
J’ai donc lancé plusieurs recherches histoire de me faire une première idée. Rapidement j’ai été agréablement surpris par la pertinence des résultats. J’ai donc décidé de faire un test plus complet et de comparer les résultats avec Google et Bing. J’ai donc choisi une cinquantaine de requêtes de recherche plus ou moins populaires afin de voir comment le petit “french” s’en sortait.
Et là ce fut une grosse déception pour moi. En effet Qwant ne fait qu’utiliser et resservir les résultats de Bing. Toutes les requêtes renvoient exactement les mêmes résultats que Bing
[…]
Ceci fût confirmé plus tard sur Twitter par Stéphane Madelano, chef de projet chez Qwant : Qwant utilise Bing pour la recherche sur le Web et dans les Actualités (Live).C’est déjà un très gros point noir pour le moteur français, car il ne propose pas une technologie alternative, mais simplement une interface afin de servir le contenu du moteur de recherche de Microsoft. En gros : Qwant paye Bing pour afficher ses résultats.
La recherche sociale
Cette fonctionnalité est largement mise en avant dans les articles parlant de Qwant. Elle permet de rechercher sur les réseaux sociaux et d’interagir sur les résultats tout en restant sur Qwant : répondre à un Tweet, poster un commentaire sur Facebook, etc.
[…]
Finalement après quelques recherches sur le Web je me sus rendu compte que Qwant affiche exactement les mêmes résultats que http://www.kurrently.com. Un site de recherche sur les réseaux sociaux. Si ce dernier n’offre pas de possibilités d’utiliser une API comme Bing, en revanche on peut acheter le moteur pour l’intégrer à son propre site pour $999. C’est ce qu’a fait Qwant avant de lui rajouter une interface permettant l’interaction.Cela devient un peu inquiétant, car, pour l’instant, sur les 3 premiers blocs de recherche, aucun n’a été développé par Qwant, et donc aucun n’est “made in France” comme annoncé par la presse.
Le shopping
La colonne shopping et plus facile à analyser : elle ne contient que des résultats provenant d’Amazon.com sous la forme de liens d’affiliations. Cela veut simplement dire que cette colonne utilise le moteur de recherche d’Amazon pour vous afficher des produits provenant de ce site. Quand vous achetez un produit en passant par un de ces liens, Amazon reverse un pourcentage sur la transaction à Qwant.
Donc toujours pas de technologie de recherche “Made in France” dans Qwant. Il s’agit juste d’une liste de liens publicitaires sans aucune valeur ajoutée pour l’internaute.
La recherche de médias
Un point vite testé : il suffit de faire un click-droit sur une vignette puis de l’afficher dans le navigateur pour se rendre compte que toutes les vignettes sont hébergées chez Bing. Donc là encore c’est l’API de Bing qui est utilisée pour la recherche, et pas du tout une technologie maison développée par Qwant.
Le “knowledge graph”
Là encore la technologie employée est simplement vérifiable. Après quelques tests sur des requêtes simples de noms de lieux et personnalités on se rend compte que Qwant ne fait que récupérer le résumé (celui de la colonne de droite) de Wikipedia et l’intégrer dans sa page. Ce n’est donc pas une technologie ni une base de connaissance développée par Qwant mais une simple agrégation du site Wikipedia.org. D’ailleurs c’est autorisé par la licence Wikipedia à condition de citer la source et de faire un lien retour vers l’article. Ce que ne fait pas Qwant qui viole donc la licence Wikipedia.
Triste conclusion
En fin de compte, Qwant est une vraie déception, ce n’est pas un nouveau moteur de recherche et encore moins un moteur de recherche “made in France”. C’est juste une interface, pas forcément réussie, qui utilise les technologies d’autres moteurs de recherche et qui les présente à sa sauce.
Beaucoup de buzz pour peu de chose et un pauvre travail d’investigation de la part de la presse spécialisée.
Par contre, j’ai une question sérieuse : pourquoi cela a demandé 2 ans pour créer ce site, sachant qu’il n’y a aucune réelle technologie originale ni innovante dérrière ? Si vous avez des idées à ce sujet, n’hésitez pas à les laisser en commentaire !
[Qwant, derrière le masque du Google killer français sur LucienTheodore.wordpress.com]
Premier réflexe, vérifier qui est Lucien THEODORE. Ça commence mal, son blog ne contient que l’article précédent. Il possède bien un compte Twitter, mais aucun passif. Dommage…
Alors je choisis la piste du seul nom qui apparaît dans l’article : Stéphane MADALENO (et non MADELANO, une façon de se couvrir ?). Son compte Twitter est beaucoup plus fourni. Et je tombe alors sur un RT qui mène vers le compte de Laurent BOURRELLY, qui annonce détenir la vérité, suite à une longue discussion avec M.ROZAN.
Il affirme alors :
sur 2 points : faux l’affil Amazon (algo à régler par contre contrer l’omniprésence) et faux l’achat de la techno Bing.
[Laurent Bourrelly sur Twitter.com]
C’est à ce moment que je me décide à retourner sur Qwant, pour essayer de délier le vrai du faux.
Affiliation Amazon fausse ?
La colonne Shopping ne renvoie que des liens Amazon. Et si on regarde les liens en question, on voit parfaitement le paramètre tag valorisé à qwant-20. Et comme le précise très bien Amazon :
Si vous désirez néanmoins créer manuellement un simple lien texte vers un produit précis du site Amazon.fr, voici le format lien que vous nécessitez :
http://www.amazon.fr/dp/ASIN/ref=nosim?tag=VOTREIDPARTENAIRE
Le format de ce lien vous “qualifie” pour le bonus des liens directs.
[…]
VOTREIDPARTENAIRE :VOTREIDPARTENAIRE est l’identifiant unique que chaque partenaire reçoit lors de son inscription au Programme Partenaires d’Amazon.fr
[Comment puis-je créer un simple lien texte vers un produit précis du site Amazon.fr? sur Amazon.fr]
L’affiliation est donc 100% opérationnelle sur Qwant.
L’utilisation des résultats de Bing est fausse ?
Pour les résultats de recherche, je ne sais pas, mais pour les images, c’est évident, les miniatures provenant directement de Bing :
Pour rigoler, on peut également jeter un oeil à leur Qnowledge Graph*. En plus de reprendre les informations (texte et images) de Wikipedia, ils reprennent pleinement le code source.
Qwant :
Wikipedia :
Espérons que dès la semaine prochaine les gentils journalistes ayant fait la promotion de Qwant à tour de bras fassent enfin leur boulot et nous sortent la vérité, car pour l’instant, tout cela sent mauvais, très mauvais…
- Enfin de l’originalité : on joue l’humour en faisant une référence à Qwant en transformant Knowledge en Qnowledge.