En début de semaine, je lisais l’édito du dernier numéro d’un magazine dédié au vélo de route autrement, dans lequel le rédacteur en chef expliquait le choix fait par la rédaction d’utiliser l’écriture inclusive dans leurs articles.

Par rapport au magazine, cette décision ne me choque pas. Au contraire. Et c’est d’ailleurs pourquoi j’avais vite compris que je n’étais pas la cible de ce titre et avais arrêté de le lire après quelques numéros.

Un tel choix, comme l’indique parfaitement Alain Puiseux dans son édito, c’est un acte militant. Cela exprime avant tout une position, plus qu’autre chose.

À titre personnel, l’écriture inclusive est quelque-chose qui m’interroge et avec lequel je suis tout sauf à l’aise :

  • Ce n’est pas clair, chaque communauté semble avoir ses règles et ses codes; parfois “ils ou elles” est inclusif, parfois il faut utiliser “iels”, parfois ce n’est pas suffisant et il faut utiliser un pronom encore plus inclusif (que je ne retrouve pas présentement, désolé). Point m·é·d·i·a·n ou t-i-r-e-t ? Si on regarde les guides qui peuvent exister sur le sujet, c’est tout sauf une sinécure. Pour un informaticien, les normes sont primordiales, surtout lorsqu’il s’agit de communication entre programmes et/ou machines. Alors comment ne pas être perdu devant une proposition de langage entre humains qui n’est absolument pas normalisé ?
  • C’est dur à lire. Probablement une question d’habitude, mais “tou.te.s” je le lis “toutses”, et ça n’a plus aucun sens dans mon esprit.
  • C’est encore plus dur à écrire. Déjà parce que ce n’est pas codifié, mais aussi parce que concaténer des mots par des points, lorsque j’écris du texte, ce n’est pas dans mon habitude; et quand je code, j’ai mon IDE qui m’aide.
  • Parce que je suis un vieux con réac. Après tout, on est toujours le pauvre, l’idiot ou le laid de quelqu’un. Alors, nécessairement, je suis le vieux con réac de quelqu’un.

Selon Wikipédia, il faut d’ailleurs distinguer langage épicène, qui vise à supprimer les discriminations sexistes (hommes/femmes et femmes/hommes), du langage inclusif qui vise à supprimer toute discrimination (de sexe, de genre, de physique…).

C’est donc tout sauf simple. Et il est alors très facile de gotcha quiconque, aussi bienveillant soit-il, voudrait s’essayer à l’inclusivité linguistique.

Dans cette situation, faire le choix militant de l’écriture inclusive, qu’est-ce que cela signifie ? Car le propre du militantisme, c’est de vouloir faire adhérer à ses idées ceux qui ne sont pas encore du bon côté. Et parfois, souvent, en particulier sur Internet où, hasard, la communication se fait majoritairement à l’écrit; militer se fait en reprochant à l’autre camp de ne pas suivre la bonne voie. Et lorsqu’il s’agit d’écriture inclusive, on reproche alors à ceux qui n’adoptent pas nos codes de faire usage d’une écriture qui exclue certains individus.

En 2021, il est globalement acté qu’à l’écrit, sur Internet, reprocher à quelqu’un de ne pas écrire correctement est un acte purement mauvais ne servant qu’à gonfler son égo. Mais alors, maintenant que les personnes avec un niveau moyen de maîtrise de la langue ne sont plus exclues et peuvent s’exprimer librement sur la toile; est-il raisonnable, au nom de l’inclusivité, de s’en prendre aux personnes qui n’emploieraient pas un neo-langage non codifié ? N’est-ce pas là une nouvelle forme d’exclusion ?

Je pense ne pas m’en sortir trop mal en terme d’écriture en français. Par contre, l’écriture inclusive, comme j’ai tenté de l’expliquer ici, et même si je suis tout sauf opposé à l’idée qu’il y a derrière, je suis totalement perdu avec et les quelques fois où l’on m’a reproché de ne pas l’employer, j’ai vraiment senti un malaise et une incompréhension. C’est peut-être le vieux con réac qui parle, mais je ne suis pas convaincu que l’adoption massive d’une pratique si dogmatique permette d’obtenir les profonds changements de société escomptés. Aujourd’hui, cela semble plus être une arme utilisée par certaines communautés afin de se distinguer. Faisant passer l’individu et son attachement à cette communauté avant le collectif.