Pendant la majeure partie de ma vie, j’avais une vision simpliste du découpage de la population en termes économiques :

  • Les miséreux
  • Les pauvres
  • Les gens
  • Les riches
  • Les millionnaires
  • Les milliardaires
  • Au-dessus, c’est le Soleil

Economie pour les Nuls

Si je devais essayer de détailler :

  • Les miséreux, ce sont plus ou moins les personnes sans revenus réguliers/fixes qui n’ont pas de véritable logement et pour qui chaque jour est une totale incertitude quant à leur capacité à survivre jusqu’au prochain.

  • Les pauvres, ce sont les personnes qui ont des revenus plus ou moins réguliers (salaires, pensions, aides de l’État…) et occupent un logement, mais qui survivent plus qu’elles ne vivent. Leur logement est à la limite de la salubrité, ils peinent à couvrir les dépenses vitales chaque mois et ne peuvent par conséquent se permettre aucun réel projet d’avenir.

  • Les gens, ce sont les personnes qui ont des revenus réguliers et occupent un logement, et qui vivent. Pour autant, ils ne peuvent se permettre de ne pas être attentifs à leurs dépenses. Ils peuvent se permettre d’avoir une petite épargne et de faire des projets d’avenir, mais ceux-ci doivent faire l’objet de réflexions approfondies car leur filet de sécurité reste très limité. Le terme gens fait référence ici au fait que c’était le profil de l’immense majorité des personnes de mon entourage et de ma propre famille. C’était donc la norme à mes yeux.

  • Les riches, c’est comme les gens, mais avec une bien plus grande aisance. Ce qui leur permet d’agir de manière bien plus spontanée grâce à un filet de sécurité conséquent. Le seuil de séparation se fait selon la capacité à pouvoir remplacer une machine à laver (de qualité, c’est à dire ~600€) de manière immédiate1. C’est à dire sans devoir faire un crédit ou piocher dans l’épargne. Cela ne veut pas dire que les riches ne vont pas souscrire un crédit ou utiliser de l’argent préalablement mis de côté car ce serait plus intéressant financièrement pour eux, mais simplement qu’ils ont la capacité financière de. Là aussi, c’est issu d’expériences personnelles.

  • Les millionnaires, ce sont les personnes qui non seulement possèdent un patrimoine, non constitué en totalité d’immobilier, supérieur à un million d’euros.

  • Les milliardaires, c’est la même chose mais supérieur à un milliard d’euros.

  • Et au-dessus, c’est le Soleil, ce sont les Bill Gates et autres Jeff Bezos.

Ça peut sembler très simpliste, et ça l’est sûrement, mais c’est une représentation que j’ai développée assez tôt, avec forcément un vocabulaire et des connaissances limitées. Ce qui explique aussi que ça peut paraître péjoratif, même si ça ne l’est pas.

Cette façon de voir les choses je m’y suis globalement tenu avec les années et ça me semblait correct. Oui, le monde est ainsi fait. Il y a des miséreux et il y a des milliardaires. Probablement que les seconds ont leur part de responsabilité dans la situation des premiers, mais bon. Après tout, certains ont de la chance, d’autres moins. Qui suis-je, en tant que gens, pour remettre cela en cause ?

Puis, en février 2019, Zwift a introduit le concept de Drops. Grossièrement c’est une monnaie virtuelle utilisée sur la plateforme qui permet d’acheter du matériel (des vélos ou des roues) et qui se gagne en pédalant (et sûrement en courant, mais je ne connais absolument pas cette partie). Contrairement à certains jeux, ici il n’est pas question d’en acquérir à l’aide d’une monnaie du monde réel. La seule façon d’en recevoir (et d’en accumuler) c’est en suant.

Il existe des façons d’en gagner plus rapidement : appuyer encore plus fort sur les pédales, rouler en montée, recevoir un Ride On (un sorte de like de la part d’un autre utilisateur) ou plus récemment de rouler avec l’un des Pace Partners pour profiter d’un multiplier. Mais globalement le taux moyen est de 39 000 Drops par heure.

Aujourd’hui, le SMIC horaire brut est de 10.25€, ce qui pourrait permettre une conversion à 0.00026€ le Drop.

Mais si on regarde le dernier vélo ajouté cette semaine au Drop Shop, le Van Rysel EDR CF, vendu complet 4050€ par Decathlon et 326 600 Drops sur Zwift, on est plutôt à 0.012€ le Drop.

Van Rysel EDR CF Zwift

Ce qui reste une estimation généreuse car les roues qui sont incluses dans la version IRL ne le sont pas dans la version virtuelle. Mais c’est un détail.

A 0.012€ le Drop et 39 000 Drops par heure de moyenne, cela veut dire que sur Zwift, on gagne en moyenne 468€/heure. Soit 45 fois le SMIC horaire brut.

Autant dire qu’on est ici face à un sacré bon plan pour faire de l’argent facile et de manière tout à fait légale. Surtout qu’il n’y a aucun prélèvement d’impôts ou taxes et que les occasions de devoir dépenser ses Drops sont très rares. Même en tenant absolument à posséder tous les vélos et paires de roues disponibles. Ce qui n’a strictement aucun intérêt.

Ainsi, malgré quelques dépenses, dont un vélo à 1 065 000 Drops et une paire de roues à 1 508 800 Drops (respectivement 12 780€ et 18 105€, la grande vie, surtout que je dois les utiliser 10h/an à tout casser); j’ai aujourd’hui un peu plus de 12.5 millions de Drops sur mon compte. Soit environ 150 000€.

Zwift Drops Count

Somme accumulée en approximativement deux ans et demi.

A ce compte-là, 60 000€/an, il me faudrait près de 17 années pour accumuler un million d’euros. Et environ 16 667 années pour accumuler un milliard d’euros.

Oui. Malgré une mécanique déjà bien cheatée qui rapporte beaucoup et facilement, il me faudrait plus de seize mille années pour devenir milliardaire.

Maintenant, imaginons que j’en fasse mon activité à temps plein. C’est-à-dire 35h par semaine à raison de 52-5=47 semaines par an.

Cela nous fait donc 1 645h par an à 39 000 Drops ou 468€ l’heure, c’est-à-dire 769 860€/an. En moins d’une année et demie, me voilà millionnaire ! Magique !

Et pourtant, il faudra toujours pédaler à ce rythme pendant 1 298 années pour devenir milliardaire. Plus d’un millénaire !

Malgré un système généreux et performant.

Pourtant, on peut aller encore plus loin.

Arrêtons un moment la pseudo-conversion Drops/€ et faisons plus simple : un Drop = un €.

Déjà là, ça voudrait dire qu’à titre personnel, il me faudrait 200 ans pour devenir milliardaire en Drops sur Zwift.

1 645h/an à 39 000 drops l’heure. Là c’est cadeau : 64 155 000 Drops à la fin de l’année. Millionnaire, soixante-quatre fois. Les banquiers le détestent !

Ce qui finalement permettrait de devenir milliardaire en approximativement 15 années et demies.

Exprimé autrement : avec le système incroyablement généreux des Drops de Zwift qui permet de gagner 39 000 unités en consentant un effort moyen, il est possible de devenir milliardaire en travaillant 35h par semaine, 47 semaines par an pendant 15 ans.

Mais c’est pas fini ! La fortune de Jeff Bezos était estimée le mois dernier à 211 milliards de dollars.

Un nouveau petit calcul ? BIM : 3 288 années sur Zwift !

Voilà.

Une longue pseudo-démonstration pour illustrer une anecdote. Avant Zwift, je pensais que les milliardaires étaient des individus qui avaient combiné chance et talent et qu’ils étaient certainement nécessaires à l’avancement du monde.

Mais depuis, lors d’un entraînement relativement chiant qui me laissait le temps de divaguer mentalement, ça a fait tilt : sur Zwift je peux devenir millionnaire très facilement mais le statut de milliardaire m’est tout simplement inaccessible. Par voie de conséquence : le concept de milliardaire est la plus grosse anomalie de l’histoire du l’humanité et tant qu’ils existeront, il sera impossible d’imaginer une société juste et équitable.

TL;DR : En gagnant 39 000€ par heure, un salarié à temps plein aurait besoin de travailler 15 ans et demi pour devenir milliardaire. Et 3 288 années pour devenir la plus grande fortune du monde. Il est inconcevable d’imaginer une façon honnête et juste de réaliser un tel exploit.


  1. J’avais lu, il y a quelques mois, le résultat d’une étude qui disait qu’aux USA une majorité de foyers ne pouvait se permettre une dépense exceptionnelle de $700 ce qui est très similaire à ce principe; malheureusement je n’arrive pas à remettre la main dessus. ↩︎