Alors que commence demain la 100ème édition du Tour de France, après une année très mouvementée pour l’épreuve avec la destitution de tous ses titres de Lance Armstrong, le plus grand champion de la course, et au lendemain de révélations accablantes contre Laurent Jalabert, très célèbre grimpeur de la Grande Boucle, de nombreuses personnes en arrivent à se demander quel est l’intérêt de continuer.
Pourquoi laisser le Tour se courir si tout le peloton est dopé ? Oui, pourquoi ?
Et pourquoi pas ? Oui, pourquoi pas ?
Après tout, le weekend dernier, personne ne s’est plaint du fait que les pilotes des 24 Heures du Mans avaient utilisé des véhicules motorisés pour réaliser des tours de piste plus rapidement qu’à pied.
Alors pourquoi devrait-on interdire aux cyclistes de profiter des progrès des sciences médicales pour améliorer leurs performances ?
Ce qui suit concerne l’ensemble des sportifs professionnels, et j’insiste sur le côté professionnel. Il est important de distinguer le sport en tant que loisir du sport en tant métier.
Que ce soit dans le cyclisme où les équipementiers dépensent des millions d’euros pour trouver le vélo le plus léger possible, tout en restant solide et résistant, ou dans le sport automobile où les constructeurs tentent de mettre au point des moteurs toujours plus performants : un maximum de puissance pour une consommation la plus réduite possible, l’ensemble ayant une masse minimale ; les sportifs profitent depuis des décennies des progrès de la science pour réaliser, dans leur domaine de prédilection, des exploits toujours plus incroyables. Et cela, sans que personne ne vienne jamais les remettre en question.
Certes, on n’oublie jamais qu’il est plus simple de grimper le Mont Ventoux avec quelques kilos de fibre de carbone entre les cuisses qu’avec une vingtaine de kilos d’acier, mais ça ne va pas plus loin. L’excitation de voir un record battu prenant rapidement le dessus.
Alors pourquoi un Tour de France dopé aux technologies de pointe ne subit aucune critique, quand dans le même temps on demande la mort d’une épreuve dopée aux produits chimiques ?
Quelle est la différence ? Qu’est-ce qui différencie un coureur gagnant à l’aide du meilleur vélo d’un coureur victorieux grâce à quelques pilules ? Dans les deux cas, ils n’auraient pas gagné sans un apport extérieur. Pourquoi donc le premier mérite la gloire quand le second mérite le mépris ?
Est-ce un soucis d’équité ? Plus un coureur a des moyens financiers, plus il pourra s’offrir les services des meilleurs médecins, plus ses performances s’amélioreront, plus il gagnera d’argent, plus il pourra s’offrir… Ce qui laissera totalement de côté ceux qui n’auront pu, dès le départ, s’offrir les produits qui gagnent ?
Je ne pense pas, tant il est évident que demain les écarts de prix seront énormes entre le vélo le plus coûteux et celui du plus bon marché. Et cela ne dérangera strictement personne.
Alors qu’est-ce qui choque tant les gens dans le dopage ? Quelle est, à leurs yeux, la vraie différence entre dopage matériel et dopage médical ?
Cette raison, c’est la santé.
Que ce soit le cas Tom Simpson sur la Grande Boucle, ou plus récemment celui de Florence Griffith-Joyner en athlétisme, le dopage a été assimilé à une mise en danger directe, à plus ou moins long terme, de la santé des sportifs.
Se doper, c’est améliorer ses performances aujourd’hui, au prix d’ennuis de santé futurs, et peut-être même d’une espérance de vie réduite.
Certes.
Mais alors, le fait de rouler à plus de 300km/h pour un pilote de course automobile, n’est-ce pas mettre sa vie en danger ? Le décès d’Allan Simonsen lors d’un accident pendant les 24 Heures du Mans le weekend dernier est là pour en témoigner.
En 99 éditions, seul Fabio Casartelli a perdu la vie dans un accident sur le Tour de France. Les 24 Heures du Mans, en 81 éditions, ont vu disparaître pas moins de 22 pilotes sur la piste.
Il faudrait donc rapidement interdire ces deux évènements si l’on se préoccupe réellement de la santé des sportifs, non ?
Et sans parler de mise en danger instantanée, le temps d’une compétition, de la vie du sportif, que dire du fait de répéter sans cesse les mêmes mouvements, jours après jours, années après années ?
Un rugbyman subissant des chocs énormes lors d’un placage aura assurément des séquelles dans ses articulations.
Comme indiqué plus haut, il est ici question de professionnels, qui gagnent donc leur vie avec leur performances.
Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de s’assurer de meilleurs revenus, même si c’est au prix de leur santé ?
Si l’on interdit le sport automobile car des pilotes se tuent, alors on interdit également les pompiers d’exister car ils risquent leur vie au quotidien ?
Et concernant les effets dans le temps, faut-il mettre au chômage les agriculteurs sous prétexte qu’ils absorbent des centaines de produits chimiques de manière indirecte au quotidien ? Faut-il arrêter de construire des bâtiments pour ne plus détruire les poumons des ouvriers ?
Il est clair qu’un agriculteur et qu’un ouvrier, de par leur profession, tirent un trait sur une vie longue et en bonne santé. En échange de quoi ? Un maigre salaire, et une reconnaissance nulle.
De leur côté, les sportifs peuvent espérer gloire et fortune contre une possible plus faible espérance de vie.
Alors, que faire ?
Faire disparaître le Tour de France ? Certainement pas !
Autoriser le dopage dans le sport professionnel ? Cela mérite réflexion.
Arrêter l’hypocrisie ? Absolument !