Ces dernières années j’avais noté une recrudescence de l’usage d’une réplique sur Internet afin de faire du virtue signaling et/ou tenter de prouver l’infériorité des propos de son adversaire sans avoir à faire preuve d’une quelconque réflexion. Et c’est un commentaire posté sur la dernière chronique du Beauf de Benjamin Tranié qui me pousse à écrire ces quelques lignes.
Ce commentaire est intéressant car il illustre parfaitement la façon dont le mépris de classe est, à défaut d’être compris, désigné bien souvent à tort.
Ici l’objectif de l’auteur étant de rabaisser Benjamin Tranié et l’ensemble des personnes travaillant à France Inter; tout en s’élevant au dessus d’eux car, lui, bien sûr, il ne pratique pas le mépris de classe.
Problème, en faisant ça, il démontre juste qu’il est un immense tocard et que si quelqu’un fait du mépris de classe, c’est lui.
Pourquoi Benjamin ne fait pas de mépris de classe dans sa chronique ?
Car quand il interprète le personnage du Beauf, il ne dit rien de la classe sociale à laquelle il pourrait appartenir.
Par contre, et c’est sa réplique de fin depuis le début du personnage, même à l’époque de Nova, il rappelle : “Et n’oubliez-pas, on est tous le beauf de quelqu’un !”. Ce qui montre qu’il se considère lui-même comme un beauf.
Alors si ce personnage exprimait du mépris de la part de son auteur, cela signifierait qu’il se méprise lui-même.
Ça tient pas trop la route cette histoire.
Pourquoi Laurent Derrien fait du mépris de classe dans son commentaire ?
Car quand il affirme que caricaturer un beauf est du mépris de classe, il affirme que seuls les membres des classes sociales populaires peuvent être des beaufs. Ce qui est non seulement tout à fait faux, contraire aux propos de Benjamin mais, surtout, montre que dans l’esprit de Laurent, quelqu’un de “vulgaire, inculte et borné” est forcément un membre des classes sociales populaires et donc inférieures.
La définition même du mépris de classe. Bravo Laurent !
Petit aparté : on parle souvent de classe moyenne, classe supérieure, classe populaire… Dans les faits il n’y a que deux classes sociales. Celle des travailleurs et celle des profiteurs. Tout le reste est un enfumage destiné à diviser les travailleurs pour mieux les abuser.
Or donc, face à cette multiplication de l’usage de la réplique du mépris de classe, non seulement à tort, mais en plus dans un contexte qui montre que l’auteur de ces propos est celui qui fait réellement du mépris de classe, je propose, à la manière du Point Godwin, d’établir le Point Abitbol.
Pourquoi Abitbol ? Car Georges Abitbol est un personnage du film La Classe Américaine et dans le film il prononce une réplique devenue culte : “le train de tes injures roule sur le rail de mon indifférence” qui plus tard est devenue une expression qui s’est étendue et dont la version complète est “le train de tes injures roule sur le rail de mon indifférence et s’arrête à la gare de mon mépris”.
Mépris et classe; on est bons.
Ce point viendrait récompenser le travail de toute personne qui, dans une conversation, viendrait à invoquer le mépris de classe comme argument d’autorité morale, pour rabaisser son opposant tout en se drapant de vertu ostentatoire; mais échouant lourdement car l’employant de manière inappropriée et révélant en réalité le fond, très méprisant, de sa pensée.
C’est relativement simple : quelqu’un dit quelque chose de non positif, donc négatif ou neutre, sur une personne ou un groupe de personnes qui peuvent être identifiées comme n’étant pas riches mais n’étant pas identifiés de la sorte par l’auteur.
Il se voit accusé de mépris de classe par quelqu’un d’autre.
Cette autre personne reçoit alors un Point Abitbol car ce n’est pas du mépris de classe de la part de l’auteur initial, mais ça montre que la personne qui réagit considère que la personne ou le groupe de personnes visés sont pauvres et donc méprisables.
Quand je dis que c’est simple, ça l’est. Vraiment.
Un peu plus tôt j’ai dit qu’il y avait les travailleurs et les profiteurs.
Si en lisant profiteurs vous avez pensé uniquement aux riches rentiers, bravo, c’était bien eux dont il était question.
Si par contre vous avez aussi pensé aux retraités, chômeurs et autres allocataires des différentes aides de l’État, alors attention la prochaine fois que vous tenterez d’accuser quelqu’un de mépris de classe. Il est fort probable que vous soyez en réalité en train de lui attribuer un point de vue qui est le votre.