Tenet (2020) : Non. On prend une intrigue type d’un James Bond, on lui ajoute un concept de SF relativement obscur, un casting pas terrible, des dialogues absurdes, des dizaines de scènes d’action supportées par des tonnes d’effets spéciaux et… Bah on s’emmerde sérieusement ! Tous ce travail visuel apparaît clairement comme de la poudre aux yeux pour masquer la faiblesse de l’écriture. C’est prétentieux au possible alors qu’au final c’est un banal film d’action où la SF vient simplement pour offrir un nouveau terrain de jeu, très mal exploité. Je déteste ces œuvres SF dans lesquelles les règles ne sont jamais clairement établies, permettant à l’auteur de les adapter à se guise, au fur et à mesure, en lui facilitant le travail pour fournir un résultat tout à fait inconsistant. C’était déjà la même chose avec Interstellar (2014). L’avantage c’est que ça a tout pour plaire car sous des aspects complexes, ça reste très accessible.

Samarcande - Amin Maalouf : Passionnant. Un beau voyage dans le temps et l’espace. Parfois difficile de s’y retrouver question narration, avec les changements d’époque et de point de vue. Le mélange entre réalité historique et fiction est également perturbant. C’est très intéressant de voir que ce roman, écrit à la fin des années 80 par un oriental, tient exactement les mêmes propos sur l’impact de l’Occident dans les problèmes de l’Orient que The Silk Roads, écrit par un historien anglais en 2015. Un regret concernant la fin bien trop far-fetched avec ce délire sur le Titanic.

Dis-lui que les qualités qu’il faut pour gouverner ne sont pas celles qu’il faut pour accéder au pouvoir. Pour bien gérer les affaires, il faut s’oublier, ne s’intéresser qu’aux autres, surtout aux plus malheureux ; pour arriver au pouvoir, il faut être le plus avide des hommes, ne penser qu’à soi-même, être prêt à écraser ses plus proches amis. Et moi je n’écraserai personne !
[Samarcande - Amin Maalouf]

Dessiner encore - Coco : Fourni un regard intérieur intéressant aux évènements et surtout à leurs répercussions sur l’une de leurs victimes.

La Société du Peloton - Guillaume Martin : L’idée de partir du peloton cycliste pour analyser la société dans son ensemble est pour le moins intéressante. Mais ça ne fournit pas de quoi remplir un livre complet, seulement quelques pages tout au plus. Ce qui force son auteur à pratiquer de nombreuses digressions et à surtout multiplier les répétitions. En cherchant à être équilibré pour être accessible à tous, j’ai surtout l’impression que le résultat est trop tiède. Il ne va pas assez dans les détails du cyclisme sur route professionnel pour vraiment accrocher les passionnés, tandis qu’il use d’un vocabulaire et de références qui ne sont pas suffisamment expliquées pour éviter de perdre ceux qui n’y connaissent rien mais qui pourraient avoir été attirés par l’aspect sociologique de la chose. Le gros du propos “Tout acte, même supposément désintéressé, est nécessairement intéressé” n’a rien de neuf, si ce n’est qu’ici sa démonstration est faite en s’appuyant sur l’expérience du coureur-philosophe. Et c’est d’ailleurs également un des reproches que j’ai à faire à ce livre, c’est que son auteur manque clairement d’expérience de vie, et ce qu’il prend pour vérité générale n’est en réalité que sa propre vision du monde d’athlète de haut niveau, passant les 3/4 de l’année dans une bulle.
Ça et là, on trouve quand même quelques remarques et observations très pertinentes.

Plutôt que de s’étonner des étrangetés de notre monde, de les déplorer, de s’énerver contre les autres, de s’apitoyer sur sa propre misère, ou de vouloir tout contrôler, il faudrait être capable d’assumer ses faiblesses, passer outre les incohérences adverses et accepter d’être jugé responsable d’actions qui nous dépassent.
[La Société du Peloton - Guillaume Martin]

Harry Potter et la Chambre des secrets - J. K. Rowling (Audiobook) : Mes souvenirs étaient bien mélangés, ce que je pensais trouver dans le premier tome était en fait présent dans le second. Avec le recul des années et de l’expérience, c’est fascinant de voir toutes les leçons de vies données dans cette histoire pour enfants.

Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes.
Harry Potter et la Chambre des secrets - J. K. Rowling]

The Man from U.N.C.L.E. (2015) : C’est (très) drôle, c’est rythmé, le casting fonctionne bien, la musique est top, l’image est belle… Un vrai bon divertissement !

Dirty Harry (1971) : C’est, heu, nul… Les personnages sont tous détestables, les séquences totalement absurdes, c’est inintéressant…

Life of Brian (1979) : C’est terriblement drôle, terriblement bien écrit et sous couvert de simplicité, c’est très riche. Le superbe générique parodiant les James Bond, et la célèbre Always Look On The Bright Side Of Life en clôture. Plus que jamais d’actualité, en particulier avec cette scène particulièrement drôle et totalement prophétique.

Stan: I want to be a woman. From now on, I want you all to call me Loretta.
Reg: What?
Stan: It’s my right as a man.
Judith: Well, why do you want to be Loretta, Stan?
Stan: I want to have babies.
Reg: You want to have babies?!
Stan: It’s every man’s right to have babies if he wants them.
Reg: But you can’t have babies.
Stan: Don’t you oppress me.
Reg: I’m not oppressing you, Stan. You haven’t got a womb. Where’s the foetus going to gestate? You gonna keep it in a box?
Judith: Here, I’ve got an idea. Suppose you agree that he can’t actually have babies, not having a womb, which is nobody’s fault, not even the Romans’, but that he can have the right to have babies.
Francis: Good idea, Judith. We shall fight the oppressors for your right to have babies, brother. Sister.
Reg: What’s the point?
Francis: What?
Reg: What’s the point of fighting for his right to have babies, when he can’t have babies?
Francis: It is symbolic of our struggle against oppression.
Reg: Symbolic of his struggle against reality.
[Life of Brian (1979)]

American Crime Story (Saison 3, Épisodes 1 & 2) : Techniquement ça a tout pour être génial, la reconstitution historique est maîtrisée, les images superbes… Mais ça ne marche pas. Déjà parce que sans connaître les évènements racontés, on ne comprend strictement rien. C’est la première fois que je regarde un docu-fiction qui considère que le spectateur maîtrise déjà bien l’histoire. Et dans ce cas, quel intérêt à regarder ? La première saison traitait d’une affaire dont je ne connaissais strictement rien, et la façon dont c’était narré m’avait permis de la découvrir. Là, j’ai quelques notions, et pourtant je suis totalement largué. L’impression d’avoir commencé une série à deux épisodes de la fin.
En plus de cela, les personnages sont très étranges. Tous insupportables et surtout inspirés plus ou moins de leur version réelle. Lorsque je pensais reconnaître une Hillary Clinton, il s’agissait en fait d’une Laura Bush. Non, je ne peux pas aller plus loin.

Narcos: Mexico (Saison 3) : Plutôt déçu. Ils ont décidé de s’intéresser plus à l’impact du trafic de drogue sur la société au sens large que de rester sur les intrigues entre barons de la drogue et autorités, comme c’était le cas jusqu’à présent. Autrement dit, faire un The Wire sauce salsa. Mais sans la profondeur d’écriture et les personnages qui vont avec. Ce qui fait qu’on a des intrigues très différentes, plus ou moins liées, qui pourraient être passionnantes à suivre, mais qui ici sont survolées et le temps qui leur est accordé n’est pas mis à profit pour susciter un réel intérêt.
L’impression qu’ils ont voulu arrêter de faire une série qui pourrait donner une bonne image des trafiquants et à la place dire “hé, regardez, pendant qu’ils s’amusent à faire des milliards, ils ruinent la vie de milliers d’innocents en influant plus ou moins directement sur la politique, la sécurité, l’économie du pays”. Tout en n’accordant pas assez de temps à chacun de ces sujets. Que ce soit la journaliste Andrea Nuñez (qui devient narratrice au passage) ou Victor Tapia, ils auraient mérité leur propre série tellement ce qu’ils avaient à raconter est riche. Sauf qu’à la place ils ont quelques minutes dans chaque épisode.
De son côté, Alejandro Edda est toujours aussi incroyable en El Chapo.

En route ! : Mon projet pour sauver la France - Pierre-Emmanuel Barré : C’est du PEB tout craché, l’écriture est tellement similaire à celle de ses sketchs que naturellement on se met à lire avec sa voix. Et à l’image de sa série vidéo Journal de Campagne sur les élections présidentielles de 2022, c’est à la fois très drôle et très juste. Ça se lit très bien et ça permet de s’extraire un peu de l’absurdité ambiante. Difficile de faire un choix de citations tant c’est rempli de punchlines; mais en voici trois, dont une sur les traditions (pas les baguettes), qui résonnera très bien avec un passage de cet article.

Tout cela étant dit, la meilleure solution pour régler les problèmes dus à l’immigration reste bien sûr de soigner les causes de ces mouvements de population : si on veut que les migrants cessent de migrer, il faut qu’ils aient envie de rester chez eux. Et pour cela, il faut qu’on cesse de détruire et de piller leurs pays. Notre nation a une longue tradition coloniale et belligérante. Pendant des siècles et des siècles, les Français ont conquis des territoires, volé les ressources, exploité les hommes et violé les femmes. C’est ce qui a fait la grandeur de notre pays, certes, mais c’est aussi ce qui a fait la petitesse des autres.
[…]
Chaque citoyen doit pouvoir se déplacer dans les rues de notre pays sans risquer de se faire insulter ou agresser sans raison. Il serait donc judicieux de supprimer la police.
[…]
Certes, il y aura toujours des abrutis pour dire : “Oui, mais le vin, c’est pas pareil, c’est la tradition.” Déjà, laissez-moi vous dire que l’argument de la tradition, c’est le plus stupide du monde. Brûler des sorcières et exciser des enfants, c’étaient aussi des traditions, c’est pas pour ça qu’on en parle avec nostalgie le soir au coin du feu.
[En route ! : Mon projet pour sauver la France - Pierre-Emmanuel Barré]

Two Metres From You - Heidi Stephens : A la base je cherchais simplement une lecture sans prise de tête, alors une comédie romantique se déroulant au printemps 2020, haut placée dans le classement Kindle, semblait totalement adaptée. Et même si à la simple lecture du résumé on se doute de ce qu’il va se passer, c’est suffisamment bien raconté pour qu’on se laisse prendre et surprendre. L’objectif est atteint. Concernant la période durant laquelle l’histoire se déroule, cela doit surement dépendre de comment chacun a vécu la chose, mais personnellement j’aime beaucoup. Non seulement on ça permet de se sentir beaucoup plus proche des personnages mais en plus ça offre un autre point de vue sur les évènements.

It was a tactic she deployed at boarding school too – if she was lonely or depressed or being bullied by the other girls, she’d go and stand in the rain or the snow, the theory being that if things couldn’t be any worse, they would have to start getting better. Some girls self-harmed by starving themselves or carving their arms up with the pointy end of a compass; Gemma just made herself feel as terrible as possible until her emotions hit rock bottom and had nowhere else to go but up.
[Two Metres From You - Heidi Stephens]

Louie (Saison 2) : Compliqué… On s’attend à une comédie mais c’est vraiment pas le genre de série à regarder pour se détendre et rire à des blagues faciles. C’est extrêmement bien écrit et interprété, cru, subtil et si on n’est pas préparé, c’est plutôt déprimant. Des messages et sous-textes dans tous les sens et même si chaque épisode n’est pas directement lié aux autres, il y a une constance via le principal protagoniste. C’est (l)oui(e) !

The Spy and the Traitor - Ben Macintyre : Les deux premières parties peuvent paraître un peu longues car elles décrivent la situation géo-politique autour de la Guerre Froide saupoudrée d’espionnage international. C’est malgré tout très intéressant car c’est rempli de détails qui permettent de mieux comprendre comment tout cela fonctionne et que, malgré le prestige qu’on peut imaginer autour de ces professions, ça reste des gens (presque) comme les autres qui rencontrent exactement les mêmes problèmes dans leurs interactions avec les autres humains. Et contrairement à ce que peut renvoyer une œuvre de fiction, ici absolument rien n’est enjolivé. C’est une accumulation de faits tels qu’ils ont été compris par l’auteur.
La troisième et dernière partie, quant à elle, est ce que j’ai lu de plus passionnant depuis… probablement Harry Potter lorsque j’étais jeune adolescent. C’est très simple, je l’ai commencée en fin de journée et ce n’est qu’au milieu de la nuit, fatigué et déshydraté, que j’ai levé les yeux de la Kindle juste avant de la refermer, le livre terminé.

Intelligence agencies have a reputation for brilliant insight and cool efficiency, but despite close vetting of candidates they are just as likely to hire and retain the wrong sorts of people as any other large organization.
[The Spy and the Traitor - Ben Macintyre]

Et il-y-a même un passage qui rappelle le chef d’œuvre musical de Francky Vincent :

He was occasionally overheard at parties drunkenly shouting: […] ‘Come and see me in my dacha when I retire.’
[The Spy and the Traitor - Ben Macintyre]