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The Staircase

Commençons par souligner que même si elle concerne une affaire judiciaire américaine, cette série documentaire est française. Réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, elle a été produite en majorité par Canal+ avant d’être acquise par Netflix qui finança les trois derniers épisodes. En partie financée par le CNC elle ne sera disponible sur Netflix France qu’en décembre 2022 puisque Canal+ profite de son exclusivité, et de nos impôts, pendant quelques années pour ne la diffuser en France que sur sa propre plateforme. Ce qui explique sa très faible popularité ici.
Nous avons donc des créateurs de qualité, mais nous subissons la bêtise des financiers qui empêche la diffusion large de leurs œuvres au public. Privilège de l’exception culturelle française ? Avec en plus un nom français, Soupçons, absolument catastrophique.

Cette série documentaire donc, suit l’affaire North Carolina v. Michael Peterson depuis les jours suivants la découverte du corps sans vie de Kathleen Peterson le 9 septembre 2001 jusqu’aux derniers évènements marquants de l’affaire en mars 2017, en s’intéressant en majorité au côté de l’accusé puisque seule partie à avoir accepté d’être suivie par l’équipe de tournage.
Concrètement le sujet n’est pas tant l’affaire que le système judiciaire américain.
Rapidement on réalise que la recherche de la vérité n’est la préoccupation de personne. Côté accusation, une théorie a hâtivement été élaborée et tout sera fait pour que le mari soit reconnu coupable du meurtre de sa femme et soit envoyé en prison pour le restant de ses jours. Côté défense, l’objectif est de faire en sorte que leur client ne soit pas reconnu coupable.
Des deux côtés, on ne lésine pas sur les moyens humains et financiers pour arriver au but. Comme le dit très justement Michael Peterson, ce n’est que parce qu’il est riche qu’il a pu s’offrir une véritable équipe d’experts et qu’il peut tenter de se défendre. Sans sa fortune, il aurait été simplement écrasé par la machine judiciaire et expédié en quelques heures en prison avant d’être oublié à jamais.
Mais la vérité n’importe pas. A aucun moment.
Comme une guerre de religion, chacun défend l’opinion qu’il s’est fondée sans se poser la question de savoir si elle est juste ou véridique. Le concept de justice semble totalement dévoyé.
L’accusation indique chercher la justice, en privant Michael Peterson de liberté, pour la famille de la victime. Sa fille et ses sœurs. Car ils ont décidé que le coupable était le mari.
Mais s’ils étaient partis sur une autre théorie, alors ils affirmeraient chercher la justice pour sa famille. Son mari. Ses enfants adoptifs. Sa fille et ses sœurs.
En réalité ce qu’ils cherchent c’est à défendre leurs intérêts personnels et leur carrière.
Et on comprend que le système judiciaire américain n’est finalement qu’une industrie comme une autre, avec des carrières qui se font, des intérêts personnels et financiers, des concurrences, des alliances et des gens prêts à tout par ambition.
Y accorder sa confiance pour connaître la vérité et trouver la véritable justice serait une énorme erreur.

Et l’affaire, alors ?
Si j’avais été juré au procès, j’aurais dit que je conservais un reasonable doubt et que je ne pouvais le considérer comme coupable.
Avec les éléments apparus ensuite, je pense qu’il est innocent.

Généralement pour trouver le coupable d’un crime on va chercher trois éléments : le mobile, le moyen et l’opportunité.

L’opportunité est évidente, ils étaient tous les deux au domicile, seuls.

Le moyen est plus complexe car dans l’unique théorie de l’accusation, ils se basent sur des tâches de sang retrouvées ça et là ainsi qu’un blow poke (j’ai pas trouvé mieux que bouffadou en français) qui appartenait à la victime et a étrangement disparu. On apprendra par la suite que l’analyse des tâches de sang a été réalisée par un charlatan qui a inventé des expériences pour démontrer sa théorie imaginée dès son arrivée sur la scène. Mais surtout que le blow poke introuvable avait en réalité été découvert par l’accusation peu avant le procès mais que cette information avait été omise puisque l’objet ne présentant aucune trace pertinente, n’allait pas dans le sens de leur théorie.

Et le mobile, là ça devient grotesque et pervers (!) puisque même si tout le monde, fille et sœurs de la victime comprises, reconnaissaient l’union heureuse de Michael et Kathleen, l’accusation est allée fouiller l’ordinateur de l’écrivain pour lui découvrir des penchants bisexuels avec des images de pornographie homosexuelle et des échanges d’e-mails avec des escorts homosexuels. Le mobile étant alors que Michael avait décidé d’assassiner sa femme après qu’elle ait découvert ce côté de sa personnalité puisque selon eux, il est impossible d’avoir une union hétérosexuelle stable lorsque l’on est aussi attiré par des individus du même sexe que soit.

En analysant de près l’accusation, on trouve l’équipe du district attorney, les experts, l’enquêteur principal… qui apparaissent tous comme ayant décidé d’une théorie, la culpabilité de Michael dans l’assassinat de sa femme, et vont faire ce qu’il faut pour la démontrer. Sans se poser une seule seconde la question de savoir si c’est la vérité ou s’ils font ce qui est juste pour arriver à leurs fins. De leur côté, le mobile pour choisir ce coupable est tout trouvé puisque l’accusé s’était présenté aux élections municipales deux ans plus tôt et en tant que journaliste il attaquait régulièrement les institutions de la ville. L’opportunité étant cette situation où une femme sans vie est retrouvée chez lui. Le moyen est un système judiciaire tout à fait corrompu. Ne seraient-ce là les coupables d’un crime ?
Pendant le procès, on a également les médias. Avec des journalistes qui après avoir assisté aux séances se présentent face caméra et relatent une vérité tout à fait déformée de ce qui s’est déroulé au tribunal et allant exclusivement dans le sens de l’accusation.
Enfin on a la famille de sang de la victime. Sa fille biologique mais également ses sœurs et en particulier Candace Zamperini, qui dans le documentaire apparaît comme une Nadine Morano chargée de haine. Avec en particulier des propos tenus dans ses dernières déclarations qui ne m’apparaissent absolument pas comme ceux d’un individu cherchant la vérité mais uniquement à obtenir ce qu’elle, personnellement, a décidé qu’elle mérite, à savoir le plus mauvais avenir possible pour celui qu’elle considère comme le meurtrier de sa sœur.

Pour la défense, il y a l’équipe engagée par Michael. Si une majorité semble là pour gagner sa vie, David Rudolf apparaît comme quelqu’un de relativement sympathique et au delà de l’intérêt de son client, semble préoccupé par l’intégrité de la justice.
La famille de Michael, qui reste à ses côtés tout le long, ses fils biologiques, ses filles adoptives, son ex-femme… Cela ressemble à une famille soudée et aimante. Impossible d’exclure un tragique évènement. Mais dur d’y voir l’entourage d’un sociopathe criminel.
Et Michael lui-même. Plutôt repoussant par son attitude d’intellectuel prétentieux au départ, il gagne en sympathie avec le temps. Visiblement très intelligent, il tient des propos d’une clairvoyance déstabilisante, a un discours constant tout du long, et surtout semble perpétuellement à la recherche de la vérité. Il est le seul à régulièrement se soustraire de la bataille pour remettre la victime initiale au centre de ses préoccupations.
Il paie physiquement cette affaire et en particulier les huit années de prisons. Et émotionnellement il apparaît comme plus affecté par la mort de sa femme et ce que ces évènements font à ses proches, plutôt que son propre sort.
S’il est coupable, alors c’est un psychopathe avec des talents d’acteur incroyables.

Finalement, le documentaire étant très orienté en faveur de Michael Peterson, avec des moments de vie habilement sélectionnés, je n’exclue à aucun moment manquer d’objectivité sur l’affaire et qu’en ayant d’autres points de vue j’évoluerai plutôt dans l’autre sens. Mais j’ai du mal à croire que des éléments pourraient me convaincre à 100% de sa culpabilité.

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JDMAI #57

Young Wallander (Saison 1) : Ça se veut être un préquel de la série de romans éponymes de Henning Mankell. Mais, surement pour des raisons économiques, l’intrigue se déroule aujourd’hui, c’est à dire en même temps que la série qui est censée avoir lieu vingt-cinq ans plus tard. Ça pourrait ne pas être un problème si une grosse partie de l’intrigue, la montée de l’extrême droite face à l’immigration, ne tient pas la route par rapport à un Kurt Wallander qui aurait la cinquantaine en même temps. Bref. Ensuite le personnage principal, auquel l’acteur tente de donner un air, en le faisant murmurer plus que parle est insupportable. Le fait que tout le monde parle anglais mais que les écrits visibles soient en suédois n’est pas cohérent. On assiste surtout à un beau ramassis de clichés, dans une intrigue intéressante mais trop proprette, avec une fin qui n’en est absolument pas une sans pour autant ouvrir une seconde saison. Et surtout, surtout, ça ressemble essentiellement à un spot de pub pour des voitures. Je sais que c’est un sujet sensible chez moi mais là près d’un plan sur deux se passe dans ou autour d’une ou plusieurs automobiles. Très souvent raison. Je serai particulièrement étonné de découvrir que la série n’a pas été financée en grande partie par des constructeurs comme Volvo, Audi ou Mercedes.

Flowers (Saison 1, Épisodes 1/2/3/4) : Très, très, très particulier. Trop pour moi. Il y a un vrai travail d’écriture et les acteurs font un taff incroyable, mais il y a trop d’absurdité autour des quelques situations auxquelles j’accroche que je préfère arrêter là. Ce n’est pas pour moi. Ou pas en ce moment.

Jordskott (Saison 1, Épisode 1) : Je croyais que c’était une simple série d’enquête mais en fait non, il y a du fantastique. Non merci.

Briarpatch (Saison 1) : Exactement ce à quoi je m’attendais en lançant la série, presque trop académique dans le style. Un casting de qualité, des personnages très riches avec des relations et des intrigues imprévisibles. Propre.

Stateless (Saison 1) : En lisant le synopsis et en voyant le casting je ne m’attendais absolument pas à ça. Comme dirait Stupeflip : Ça t’agrippe ça t’attrape et ça fait pas d’sentiments. Ils arrivent à aborder tellement de sujets en six épisodes, avec une telle réussite que ça en est bluffant. Le travail d’introspection que l’on fait au cours de chaque épisode les rend réellement épuisants. Avant d’être achevé par le dernier. Une incroyable réussite qui malheureusement, de part une partie de son sujet (l’immigration), risque d’être vue pour autre chose que ce qu’elle est. C’est en tout cas l’interprétation que j’en fais.

The Spy (Saison 1) : Histoire totalement inconnue pour moi à la base, elle est évidemment fascinante. La performance de Sacha Baron Cohen est bluffante. L’ambiance est plus que prenante. Très réussi. En plus c’est une série française ! Même si tout le monde parle anglais (et parfois français) au lieu de parler hébreu ou arabe, que le casting est en majorité israélien et anglo-saxon, avec au moins un français, c’est bien une série française. Évidemment puisque l’histoire est racontée du point de vu israélien, certains ne peuvent s’empêcher d’y voir de la propagande sioniste. Ce n’est pas mon ressenti. Oui, l’histoire est très certainement biaisée pour donner le beau rôle aux israéliens; mais c’est le principe quand c’est toi qui raconte l’histoire. On n’entend personne se plaindre de propagande pro-US quand ils nous déversent des tonnes et des tonnes de productions les montrant comme les héros, même, et surtout, lorsqu’ils ne sont que les bourreaux. A ce propos, c’était un plaisir de retrouver, même brièvement, Noah « Stan Beeman » Emmerich et ses tics faciaux.

Big Little Lies (Saison 1, Épisode 1) : Peut-être que c’est réellement intéressant avec une vraie construction derrière, mais voir des millionnaires se chamailler tels des enfants sur des problèmes qu’ils se créent de toute pièce pour remplir leurs existences aussi vides que leurs immenses demeures; non, je ne peux pas. Et c’est chiant à crever en plus.

Criminal : UK (Saison 2) : Probablement un cran encore au dessus de la première saison car si le premier et le quatrième épisode sont classiques dans le sens où ils se limitent à une enquête avec rebondissements sur le coupable, les deux épisodes intermédiaires vont beaucoup plus loin en s’interrogeant sur la justice et ses conséquences sur la vie des personnes que son processus embarque. Toujours ce huis-clos simple et cosy. Très bien.

Monty Python’s Flying Circus (Saison 4) : Je crois que Netflix m’a trollé car je pensais regarder la troisième saison mais visiblement c’était la quatrième et dernière. Pour autant, c’était bien.